Var-Matin (Grand Toulon)

Air Cocaïne : la République dominicain­e étrillée

Le criminolog­ue Christophe Naudin, qui avait participé à l’exfiltrati­on des pilotes, est venu hier au procès d’Aix-en-Provence dire tout le mal qu’il pense de la République dominicain­e

- ÉRIC MARMOTTANS

La cour d’assises spéciale des Bouches-du-Rhône, à Aix-enProvence, est revenue hier sur l’épisode le plus célèbre de l’affaire Air Cocaïne. L’arrestatio­n des quatre Français sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana, la saisie du Falcon 50 à destinatio­n de Saint-Tropez et l’annonce par les autorités locales d’une saisie record de 700,49 kg. « Je redis que se pose la question même de l’existence de la cocaïne dans ce dossier », prévient Éric Dupond-Moretti, en défense des pilotes, Pascal Fauret et Bruno Odos. Le pénaliste a profité de la présence du patron d’un laboratoir­e de police pour faire prendre acte à la cour que l’expertise réalisée en République dominicain­e avait fait appel à des techniques jugées obsolètes de ce côté-ci de l’Atlantique. « Ces tests n’ont plus voix dans les laboratoir­es européens », a convenu le policier à l’évocation des méthodes utilisées à Saint-Domingue.

Des personnels corrompus

Christophe Naudin, criminolog­ue et spécialist­e des questions de sûreté notamment dans les aéroports, a pris le relais de la critique sévère du volet dominicain de l’affaire. « En janvier 2012, j’avais audité l’aéroport de Punta Cana à la demande de l’ancien président de la République dominicain­e, indique le témoin. La problémati­que était de parvenir à limiter les vols sauvages en provenance de Colombie et du Venezuela… » Résultat de cet audit : « Aucun service compétent, des personnels corrompus, hypocrites et déloyaux… » Christophe Naudin prend alors fait et cause pour les pilotes quand éclate, en mars 2013, l’affaire Air Cocaïne. « La responsabi­lité du contrôle de tout ce qui monte à bord d’un aéronef est de la responsabi­lité des états signataire­s [ de la convention de Chicago] », indique-t-il. « On ne pouvait pas reprocher à l’équipage de ne pas avoir contrôlé les bagages. » « La sûreté, ça demande beaucoup de technologi­es et de compétence­s [dont le système dominicain est dépourvu] » , poursuit le témoin interrogé par le président de la cour. Et de décrire « un pays qui ne fonctionne­rait plus sans l’argent de la drogue, il y a une narcoécono­mie ». « Quand vous avez des policiers qui sont payés 250 à 300 euros par mois, dans un pays où le plein d’essence est aussi cher que dans le nôtre… » , enfonce Christophe Naudin. « Par exemple, la marine nationale dominicain­e est totalement mouillée dans le trafic : elle saisit la drogue qui est soi-disant détruite et la remet sur le marché… » « Quel est le lien entre ces carences et ce que savaient ou non les pilotes de ce qu’ils transporta­ient », interroge l’avocat général. « Il n’y a pas nécessaire­ment de lien, mais il y a un problème de fiabilité avec ce qui va être affirmé par les autorités locales. On ne peut pas accuser les équipages d’être responsabl­es des manquement­s de l’État. » Christophe Naudin avait ainsi participé à « l’opération de solidarité » visant à exfiltrer les pilotes après leur condamnati­on en première instance. Le quinquagén­aire avait été jeté dans une prison dominicain­e (26 mois) pour son implicatio­n. « Je l’ai payé mais je ne le regrette pas, parce qu’aujourd’hui ils sont là, en France, et ils peuvent se défendre. »

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