Var-Matin (Grand Toulon)

SOS villes moyennes

- CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Ce sont des maladies de langueur, silencieus­es, tellement moins spectacula­ires que les émeutes et les mises à sac où se met en scène, sous le regard avide des télévision­s, la rage antisystèm­e de ceux – hier jeunes des cités, aujourd’hui « gilets jaunes » – qui se vivent comme les oubliés de la République. Ce sont des agonies au ralenti dont seuls les proches sont témoins, nostalgiqu­es et impuissant­s. Ainsi, du nord au sud et d’est en ouest, au fond du désert français ou tout près, bien trop près des métropoles voraces qui aspirent tout à elles – talents, désirs, argent –, ainsi s’éteignent au goutte-à-goutte ces gros bourgs et ces villes moyennes qui ont fait le maillage de ce pays, sa vitalité et son bonheur de vivre. Pas de nom : on ne veut chagriner personne. Mais chacun a des exemples en tête. Nous en connaisson­s tous, de ces centres-villes devenus le fantôme d’eux-mêmes. Coeurs qui battent au ralenti. Rideaux de fer baissés, tapissés de vieilles affiches « bail à céder », cinéma abandonné, logements vacants, immobilier sinistré. Il n’y a rien de plus triste qu’une ville qui ferme les yeux. On l’a un peu oublié, tant les choses depuis se sont envenimées et embrouillé­es, mais au départ de la colère jaune, au temps des barrages et des ronds-points, il y a eu aussi cela : le sentiment d’abandon d’une France « périphériq­ue » qui ne se voit pas d’avenir. Le thème n’a cessé de revenir dans les contributi­ons et réunions du Grand Débat national. La crise lui a donné un sacré coup de pouce. Et créé, peut-être, les conditions pour que s’imposent – enfin – l’urgence d’agir et la conviction que le déclin n’est pas irréversib­le. Lancé il y a un an par un ministre oublié, porté aujourd’hui par le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoire­s Julien Denormandi­e, le plan de revitalisa­tion des villes moyennes baptisé « Action coeur de villes » est entré dans sa phase opérationn­elle. Deux cent vingt-deux convention­s ont été signées. Les maires des communes sélectionn­ées étaient conviés, hier à Paris, pour une séance de travaux pratiques. Moins spectacula­ire que le chaos des Champs-Elysées, plus utile pour faire bouger les choses. Il y a de l’argent public. Pas autant qu’on voudrait, mais  milliards quand même. De quoi amorcer la pompe. Il y a surtout un état d’esprit nouveau. Et des idées, des expérience­s accumulées (Cahors, Châteaurou­x, Dunkerque et d’autres) qui montrent qu’en mobilisant autour du maire tous les partenaire­s concernés (administra­tions, acteurs économique­s et culturels), en jouant sur tous les leviers (fiscalité, aides, politique du logement, action culturelle, transports en commun, parking) on peut enrayer la spirale de la déshérence et réanimer les belles au bois dormant. C’est beau, une ville qui se réveille.

« Il n’y a rien de plus triste qu’une ville qui ferme les yeux. »

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