SOS villes moyennes
Ce sont des maladies de langueur, silencieuses, tellement moins spectaculaires que les émeutes et les mises à sac où se met en scène, sous le regard avide des télévisions, la rage antisystème de ceux – hier jeunes des cités, aujourd’hui « gilets jaunes » – qui se vivent comme les oubliés de la République. Ce sont des agonies au ralenti dont seuls les proches sont témoins, nostalgiques et impuissants. Ainsi, du nord au sud et d’est en ouest, au fond du désert français ou tout près, bien trop près des métropoles voraces qui aspirent tout à elles – talents, désirs, argent –, ainsi s’éteignent au goutte-à-goutte ces gros bourgs et ces villes moyennes qui ont fait le maillage de ce pays, sa vitalité et son bonheur de vivre. Pas de nom : on ne veut chagriner personne. Mais chacun a des exemples en tête. Nous en connaissons tous, de ces centres-villes devenus le fantôme d’eux-mêmes. Coeurs qui battent au ralenti. Rideaux de fer baissés, tapissés de vieilles affiches « bail à céder », cinéma abandonné, logements vacants, immobilier sinistré. Il n’y a rien de plus triste qu’une ville qui ferme les yeux. On l’a un peu oublié, tant les choses depuis se sont envenimées et embrouillées, mais au départ de la colère jaune, au temps des barrages et des ronds-points, il y a eu aussi cela : le sentiment d’abandon d’une France « périphérique » qui ne se voit pas d’avenir. Le thème n’a cessé de revenir dans les contributions et réunions du Grand Débat national. La crise lui a donné un sacré coup de pouce. Et créé, peut-être, les conditions pour que s’imposent – enfin – l’urgence d’agir et la conviction que le déclin n’est pas irréversible. Lancé il y a un an par un ministre oublié, porté aujourd’hui par le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires Julien Denormandie, le plan de revitalisation des villes moyennes baptisé « Action coeur de villes » est entré dans sa phase opérationnelle. Deux cent vingt-deux conventions ont été signées. Les maires des communes sélectionnées étaient conviés, hier à Paris, pour une séance de travaux pratiques. Moins spectaculaire que le chaos des Champs-Elysées, plus utile pour faire bouger les choses. Il y a de l’argent public. Pas autant qu’on voudrait, mais milliards quand même. De quoi amorcer la pompe. Il y a surtout un état d’esprit nouveau. Et des idées, des expériences accumulées (Cahors, Châteauroux, Dunkerque et d’autres) qui montrent qu’en mobilisant autour du maire tous les partenaires concernés (administrations, acteurs économiques et culturels), en jouant sur tous les leviers (fiscalité, aides, politique du logement, action culturelle, transports en commun, parking) on peut enrayer la spirale de la déshérence et réanimer les belles au bois dormant. C’est beau, une ville qui se réveille.
« Il n’y a rien de plus triste qu’une ville qui ferme les yeux. »