Le livre du jour Les bleus à l’âme d’un maire
« Je n’ai pas menti »
Les derniers mots de l’audience ont été pour le mis en cause qui a lu un texte à la barre. « Je suis venu devant le tribunal avec le désir d’être loyal dans la reconnaissance des agressions dont j’ai été l’auteur », celles qui ont pu être jugées et « toutes les autres » tombées sous le coup de la prescription, a dit Bernard Preynat. « Je n’ai pas menti. J’ai été sincère dans les réserves que j’ai exprimées » sur certaines accusations. « Ma demande de pardon, je la réitère du fond du coeur car je regrette sincèrement ma recherche de plaisir sexuel dans des gestes condamnables », a-t-il ajouté. « Je m’excuse auprès des victimes, de leurs familles, des autres prêtres, du diocèse et de toute l’Église que j’ai salie par mes agissements », a poursuivi le prévenu en réaffirmant que « depuis 1991 », il a été « fidèle à la promesse faite à Mgr Decourtray », l’archevêque de l’époque, en ne touchant plus aucun enfant. Aucun fait n’a été retenu contre lui après cette date. Le procès aura été l’occasion, pour Bernard Preynat, de pointer la responsabilité de l’Église. «Onm’adit: “Tu es un malade” [...] On aurait dû m’aider... On m’a laissé devenir prêtre », a relaté Preynat, alors qu’il avait suivi une thérapie en hôpital psychiatrique dans les années soixante.
Lui-même victime
A l’époque, cet aîné d’une fratrie de sept élevé dans la religion par un père autoritaire, qui jouait à la messe à 67 ans et voulait devenir curé, commet ses premières agressions. Dès l’âge de 16 ans, après en avoir subi luimême dans son enfance, révélation faite au tribunal. La présidente a relevé que les gestes dont il dit avoir souffert sont identiques à ceux qu’on lui reproche et une experte mandatée par la défense y a vu un processus d’identification : « Tous les agresseurs ont été victimes. » Mais cela n’a pas convaincu les parties civiles. « Preynat, c’est un menteur » ,a accusé vendredi Me Yves Sauvayre, pour qui l’ancien curé jouait ici «son troisième rôle, celui du repentant ».
Pierre-Emmanuel Bégny, ans, est maire de Saâcy-sur-Marne, commune de âmes en Seine-et-Marne. Elu en avril , il ne se représente pas cette année. Il a été terrassé d’une phrase, le juin , alors qu’il était sur le pied de guerre depuis heures du matin pour faire face à la crue de la rivière de son village : « Tiens, regardez-moi cet imbécile, il ferait mieux de nous aider à éponger, au lieu de se pavaner dans la rue ! » « Je n’ai rien montré, mais j’étais échec et mat. Tout mon engagement au service de ma commune venait de voler en éclats », se rappelle-t-il. Ce jour-là, il a su qu’il ne repartirait pas, usé par une lutte quotidienne en étau entre les exigences toujours plus grandes des administrés et le désengagement de l’Etat. Il devinait que sa charge serait lourde. Mais pas à un tel point. « Il n’y a pas d’école ni de manuel Le Maire pour les nuls. Devenir maire, c’est recevoir un parachute sans mode d’emploi. » Les journées interminables truffées d’impondérables, le portable allumé jour et nuit, la perte de compétences au profit de l’intercommunalité, l’annonce, estomac noué, des décès aux familles, la mairie prise pour un supermarché, l’incivisme crasse et le manque de respect, le tout pour € net mensuels, ont eu raison de sa motivation. « Les maires sont de plus en plus considérés par les gens comme des complices de cet Etat contre lequel ils ont des griefs. Nous servons de défouloir. » Sans parler de l’épée de Damoclès juridique. En , se souvient-il, la cour d’appel d’Agen a condamné un maire à dix mois de prison avec sursis pour « turbidité excessive » d’un lac où s’était noyé un enfant. La réévaluation des pouvoirs et indemnités des maires, prévue par la loi Engagement et Proximité, ne l’a pas dissuadé de renoncer, au regard d’une société qu’il perçoit gangrenée par l’individualisme et la haine.