USA : Azuréens propriétaires de maisons fantômes à Détroit
Pendant trois ans, ils ont cru avoir acquis des villas aux Etats-Unis. En pleine crise du Covid-19, ces investisseurs de notre région ont appris qu’ils n’avaient sans doute acheté que du vent
En pleine crise du Coronavirus, ils ont appris que les maisons qu’ils croyaient avoir acquises en 2017 à Détroit aux États-Unis n’existent sans doute pas. Villas fantômes !
Antom Patrimoine, la société de Valbonne qui les commercialisaient pour le compte de D3 Gestion, une entreprise basée en Floride et dirigée par un Français, a dû mettre la clef sous la porte le 20 avril. Liquidation judiciaire qui, pour les quelque 315 Azuréens, Varois, Corses et Marseillais, très virtuellement propriétaires de 1 050 maisons dans le comté de Wayne, sonne le glas de leur rêve immobilier américain. Escroquerie ? La justice le dira. Une plainte a été déposée dès le 11 mars au tribunal de grande instance de Grasse. L’affaire porte il est vrai sur un préjudice global de plus de 50 millions d’euros. Ces villas dans l’ancien ghetto black du Wayne Coutny (lire cidessous) ressemblaient bien à des affaires en or. Et à la portée de toutes les bourses. Le ticket d’entrée pour une maison de 115 m2 dans un quartier en pleine rénovation est de 60 000 dollars. La rentabilité annuelle promise par la plaquette commerciale est de 17 %. Sur la Côte d’Azur, c’est Sébastien Rogge d’Antom Patrimoine qui détient le mandat de commercialisation de ces villas. Dès 2017, toutes ses équipes sont mobilisées sur ce produit.
propriétaires sans toit
Le principe est simple : soit acquérir comptant un de ces biens, soit opter pour un achat avec crédit vendeur : « La plupart d’entre nous ont choisi la seconde option,
raconte l’une des victimes, sophrologue dans les Alpes-Maritimes. On devait créer une société de droit américain tout à fait légale. On apportait 54 % en apport personnel. Les 46 % restant étaient financés via à un crédit vendeur sur 60 mois que D3
Gestion nous octroyait. Comme en retour, il nous était garanti un loyer de 800 à 850 dollars ; la rentabilité était sans commune mesure avec ce qu’on peut espérer en France. Personnellement, j’ai signé pour six villas, dont deux pour mes enfants. L’investissement global était de 360 000 dollars pour mon mari et moi, mais c’était une épargne idéale ».
Le système mis en place par D3
Gestion semble en effet totalement transparent. Une fois les formalités effectuées, chaque acquéreur reçoit un code de connexion sur un site dédié, Rentec. « Depuis 2017, on pouvait se connecter à notre convenance pour gérer notre compte. Chaque mois, je vérifiais l’état des recettes – versement des loyers – et des dépenses : taxe, impôts, frais de gestion, charges, etc. C’était rassurant. Les bénéfices mensuels n’excédaient jamais 70 dollars, mais on savait tous que, pendant cinq ans, les loyers couvriraient plus ou moins le montant du crédit ».
La fausse panne informatique
Tout roule donc. Le bouche-àoreille fait son effet. En trois ans, ce sont près de 1 200 transactions qui sont ainsi réalisées... à distance. Sur la Côte d’Azur, en Corse et dans le Var, mais aussi, via d’autres agences que celle de Sébastien Jogge à Bordeaux, Gap et Marseille : « Le plus souvent c’est par des amis qu’on avait eu vent de ces placements immobiliers.
On était en confiance », raconte un cadre d’un organisme financier niçois. La première alerte date du 14 janvier dernier. Du jour au lendemain, le site Rentec est en rideau. Impossible de s’y connecter. Bug informatique ? Sauf que la panne dure trop longtemps pour ne pas affoler les investisseurs azuréens qui se retournent vers Sébastien Jogge, leur seul intermédiaire auprès du patron de D3
Gestion, Paul D.B, un Français expatrié aux États-Unis depuis plusieurs années. En vain ! Le site ne fonctionne plus depuis cinq mois. Certaines victimes qui ont mandaté un cabinet d’avocats parisien, auraient appris depuis que « quand elles existent, les villas achetées n’ont rien à voir avec les biens tel que décrits sur les actes de propriété. Mais bien pire que dans l’immense majorité des cas, ces maisons auraient parfois été vendues plusieurs fois à des acquéreurs différents ! »
A Mandelieu, Sébastien Jogge qui
sait être accusé de « négligence », voire de complicité par certains de ses clients, assure avoir, de son côté, lancé une action auprès des autorités américaines : «Je suis mort professionnellement. Mes sociétés ont été mises en liquidation. Je n’ai rien vu venir. J’ai pourtant bien dû faire 35 voyages à Détroit pour rencontrer le patron de D3 Gestion, avec certains de mes collaborateurs et mêmes avec quelques clients qui tenaient à visiter ces maisons avant de valider leur investissement. J’étais normalement rétribué pour chaque mandat de recherche réalisé à hauteur de 9 900 euros. Tout semblait parfaitement en ordre. J’avais même convaincu mon fils et mon neveu de sauter sur ce placement. »
Un ordre tout relatif cependant. Malgré leurs appels désespérés, les acquéreurs azuréens n’ont plus aucune nouvelle de Détroit depuis cinq mois : «Ilyafortà craindre que nous ne reverrons jamais notre argent. Mais voulons
que la lumière soit faite sur ce qui ressemble à une pyramide de Ponzi. »