Les intermittents planchent sur une réponse culturelle
Festivals, spectacles annulés… La situation pèse sur les intermittents qui ont besoin de faire des heures pour renouveler leurs droits. À cela s’ajoute l’incertitude sur la reprise des activités artistiques
Pas de grand festival jusqu’à fin août, pas de calendrier de réouverture des théâtres ni de prestations scéniques dans les écoles. Depuis deux mois les intermittents du spectacle sont en mode galère. La situation de confinement a compliqué la donne et le déconfinement progressif ne permet pas aujourd’hui d’éclaircir l’horizon de la profession. Laquelle doit justifier d’un minimum de 507 heures de contrat sur douze mois pour pouvoir bénéficier de leur régime et ouvrir leurs droits à l’assurance-chômage. Artistes comme techniciens attendent des précisions sur l’année blanche qu’entend accorder le Président Macron et qui leur permettrait de toucher l’assurance chômage jusqu’en 2021. Rencontre avec Richard Frech, intermittent du spectacle, fondateur en Dracénie de la compagnie Théâtre du Lézard et metteur en scène.
Quelles sont les répercussions du confinement sur la profession ?
Cela dépend de la situation des intermittents. Elle est moins compliquée pour ceux qui sont employés par des compagnies, car ils peuvent bénéficier du chômage partiel. En revanche, pour ceux sans structure, comme les saisonniers, le quotidien est bien plus difficile.
La solution d’une année blanche accordée par le Président est-elle satisfaisante ?
Le maintien des indemnités jusqu’en août est une bonne initiative, particulièrement pour les personnes qui ne sont pas épaulées par une structure et qui auraient pu se retrouver au RSA (Revenu de solidarité active). Ils ont un an de plus pour rebondir, pour ne pas perdre leur statut. Après, il reste à définir sous quelles conditions seront maintenues ces indemnités. Entre l’annonce du Président et la mise en place du décret d’application, il peut y avoir des surprises. Je pense que le calcul doit être fait par rapport au taux journalier de chaque intermittent et non pas à celui de Pôle emploi. Certes, cela a un coût, mais il pourrait être financé avec, par exemple, une taxe sur les Gafa
(acronyme des géants du Web : Google, Apple, Facebook, Amazon, Ndlr). C’est l’une
des pistes avancées par la CGT spectacle. Après tout, les géants du web profitent du travail des intermittents.
Concrètement, quelles sont les conséquences de cette crise pour vous ?
Une perte de plus d’une centaine d’heures d’intermittence avec la compagnie dracénoise Septembre, jours de création lumière perdus avec Téouthéâtre à Pierrefeu ainsi que de nombreuses heures avec la compagnie du Théâtre du lézard dont toutes les prestations de la fanfare. La situation est d’ailleurs assez particulière pour les instrumentistes de cuivres : on souffle dans un instrument, il y a donc des projections de gouttelettes. De ce fait, toutes
les dates de la fanfare vont être annulées, certainement jusqu’à ce que le virus disparaisse. Dans une année, cela représente un tiers des dates d’intermittence. Parfois plus. L’activité partielle permet aux petites compagnies d’être solidaires. Enfin, les heures d’ateliers de médiation culturelle auprès des mairies avec les Clas (contrats locaux pour l’aide scolaire) sont également perdues.
Êtes-vous toujours attaché à ce régime ou pensez-vous qu’il est nécessaire de le faire évoluer pour mieux protéger ?
Il y a des avantages et des inconvénients mais je pense qu’il est essentiel pour permettre à la culture d’exister. Lorsque l’on fait de la création, il est nécessaire d’avoir beaucoup
d’heures pour écrire mettre en scène, s’occuper des structures administrativement. Le temps passé est comptabilisé en intermittence. Si la culture existe au sein de territoires comme la Dracénie, c’est bien grâce aux petites compagnies. Nous réinventons la culture tous les jours, parfois avec des bouts de ficelle, pour un public local. Sans trop de moyens mais avec un petit appui, un partenaire, on y parvient. Les petites structures très souples comme l’Usine de la Redonne à Flayosc sont une vraie chance. Elles permettront, peut-être, de sauver les prochaines saisons culturelles. Ce n’est pas de la sous-culture.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Les répétitions vont reprendre dans les prochains jours, notamment avec la fanfare de La Redonne, avec des protections sur les instruments. Actuellement, je travaille sur de la poésie sonore. Il faut tout réinventer, revoir notre rapport avec le public afin de proposer une réponse culturelle.
Le confinement a-t-il été une période propice à la création ?
Il y a eu de nombreuses tentatives de créations pendant ces deux mois de confinement sur les réseaux sociaux. Mais, globalement, autour de moi, les artistes ont tous été touchés. Leur moral était en berne, ils étaient moins créatifs et moins riches que d’habitude. Les créations s’inspirent souvent de rencontres, de voyages à l’extérieur. Néanmoins,
il y a des situations anxiogènes qui inspirent certains artistes ....