Var-Matin (Grand Toulon)

Toujours le poing levé !

Arrivée sur la pointe des pieds à Toulon/Saint-Cyr, Léa Serdarevic repart sur des talons aiguilles. Elle a choisi Paris 92 pour relever un challenge. Mais la blonde n’oubliera jamais sa rade...

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Ses cartons sont encore vides. Pourtant, au 30 juin, Léa Serdarevic devra rendre les clés de son appartemen­t. Tourner le dos au palais des sports. Au gymnase de Vert Côteau. A Toulon. Sa ville d’adoption... Ainsi va la vie d’une gardienne de haut niveau. Parfois, il faut trancher le vif des sentiments. Avoir mal, au coeur, pour mieux rebondir. Ailleurs... De la Méditerran­ée à la Seine, il y avait pourtant un pont. Qu’elle s’apprête à franchir d’un pas de géante. Question de tempéramen­t. Le sien, ça tombe bien, s’est nourri de la sève du sud-ouest. Rien ne l’effraie. Ou alors elle cache bien ses peurs dans de larges sourires. Voire des éclats de rires... Autant de pépites pour mieux masquer une légitime appréhensi­on. Surtout que la jeune femme n’a jamais mis un pied à Paris. « Je n’ai jamais visité la capitale ! Je pense que je vais commencer par la tour Eiffel. J’aurai tellement de choses à voir... » Au fil des jours qui s’éteignent, Léa réalise, doucement, que son aventure toulonnais­e se consume. Qu’il n’est plus temps de reculer sur sa ligne. Un choix assumé. Sans trahison. Puisque dévoilé en début de saison. « J’avais envie de changer de club. Ici, j’avais l’impression de stagner.

De me reposer sur mes lauriers. D’être dans mon petit confort... » Bonne vivante, la blonde refusait rarement le chant des sirènes.

De croquer aux distractio­ns varoises. « A Paris, je n’aurai que le hand. Donc, ça passe ou ça casse... » Sa voix, peut-être, se cassera. A force de placer sa défense. Pour le reste, la machine est huilée. Le talent avéré. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Thierry Vincent est allé la dénicher aux fins fonds des Pyrénées-Atlantique­s. « Je ne sais pas comment il m’a trouvée et je ne lui ai jamais posé la question. Un jour mon père m’a dit que Toulon avait appelé. Je ne connaissai­s même pas la ville ! Thierry est passé à la maison. Je me suis renseigné un peu. Je suis venue voir le club et j’ai signé... » Visiblemen­t, elle n’en revient encore pas de ce conte de fées dont elle ne tenait pas la baguette. Jusqu’à réaliser des tours de magie dans sa cage. Cage où elle a succédé à de drôles d’oiseaux... « Jackie, j’étais son bébé. J’avais 17, 18 ans. C’était une bosseuse terrible. Alex, c’était Alex. Avec son style. Elle était top. Elles sont tops ! » La petite nouvelle a grandi dans l’ombre des géantes. Avant de prendre la main. De s’imposer sur cette scène réduite à l’épaisseur d’une zone. Sa maison inviolable. Quoi qu’il en coûte à son corps mitraillé. « Ce n’est pas un scoop, mais le gardien, c’est le fou de l’équipe. J’aime quand le ballon me tape. Ça veut dire qu’il ne rentre pas...» Sauf qu’il lui est arrivé de voir trentesix chandelles.

Sur un tir en pleine poire. Comme lors de cette demi-finale contre Nice. « J’ai eu la migraine pendant deux semaines. » Ou cette autre fois à l’entraîneme­nt. « Là, j’ai vu flou pendant deux heures... » Mais tout est rentré dans l’ordre. Serda est reparti au charbon. Toujours le poing levé. Comme depuis son plus jeune âge. N’hésitant pas à mettre une torgnole à sa soeur pour la déloger des bois. « Mais j’ai été punie ! » Chez les Serdarevic, ça ne rigole pas. Blague à part, Léa a de qui tenir puisque dans la famille, tout le monde joue au hand. A commencer par le grand frère, Denis, portier, bon sang ne saurait mentir, de Limoges. C’est dire si elle ne pouvait échapper à sa destinée. Frappée d’un numéro 16 dans le dos. Comme sa maman. Chiffre porte-bonheur au regard de son parcours auquel il ne manque qu’un titre. « Avec Toulon/Saint-Cyr, en six ans, j’ai perdu deux finales de coupe de France. Mais je n’en ai aucune amertume. Je préfère garder le meilleur. En particulie­r la qualif en play-off pour un point la saison dernière. Sans oublier le groupe de cette année. Que des copines qui m’ont épaulée dans les moments difficiles... » Des souvenirs, sur la rade, elle en a tellement. Ses valises en sont pleines. « Je me suis tellement bien acclimatée ici. Au départ, on m’avait dit : fais attention, il n’y a que des cons. Ce n’est pas comme dans le Sud-Ouest. Mais des cons, il y en a partout. Moi, je suis devenue une Toulonnais­e ! » Bientôt en exil à Issy-les-Moulineaux. Encore une marche. Avant, peut-être un jour, d’évoluer à l’étranger. « Ça me tenterait. Mais j’aime bien vivre au jour le jour... » Avec une certaine liberté. Celle dont elle a été privée durant ces deux mois de confinemen­t. « Oh, l’angoisse ! Moi, je suis toujours en vadrouille et je suis incapable de rester seule... » Léa donc fait contre mauvaise fortune bon coeur. Poussant le vice jusqu’à s’acheter un vélo elliptique. « Comme je ne pouvais pas courir dehors... » Un bagage supplément­aire à traîner. Alors que les affaires d’hiver sont déjà pliées. Comme son ultime saison varoise. Au goût d’inachevé. En attendant le grand saut vers l’inconnu, Léa a pris des couleurs. Sur son balcon. Les derniers rayons du soleil sudiste... Elle espère encore avoir le temps pour un café sur le port avec les filles. Rituel immuable avant chaque match. Pour dire au revoir. Se prendre dans les bras. Simplement. Tout simplement...

Je n’ai jamais visité la capitale. Je pense que je vais commencer par la tour Eiffel”

Ce n’est pas un scoop, mais le gardien, c’est un peu le fou de l’équipe... ”

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Texte : Raphaël Coiffier Photo : Valérie Le Parc

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