Var-Matin (Grand Toulon)

PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

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Lui qui a fait plusieurs reportages de guerre n’a eu aucune difficulté à assurer la présentati­on du journal télévisé en ces temps de crise sanitaire et ce même si les journaux sont devenus « monothémat­ique ». Journalist­e mais aussi auteur à succès, qualifié de « Dan Brown portugais », José Rodrigues dos Santos revient sur la crise, sur le déconfinem­ent de son pays, et sur le personnage historique qui a inspiré son livre : Un millionnai­re à Lisbonne.

Comment expliquez-vous que votre pays compte aussi peu de malades et de morts si on le compare avec d’autres États européens ? Les Portugais sont entrés en confinemen­t avant les ordres du gouverneme­nt et ont commencé à utiliser des masques même si le gouverneme­nt disait que c’était inutile. Tout le monde est très discipliné. Tandis qu’en Espagne il y avait  décès par jour, ici, il n’a jamais dépassé la trentaine. Au-delà de cette discipline, peut-être y a-t-il d’autres raisons, mais je pense qu’il nous faut étudier mieux le sujet.

Vous êtes déconfinés depuis presque  jours. Comment cela se passe-t-il ? La discipline continue, mais le fait que les gens doivent maintenant aller au travail en utilisant le métro et les bus augmente le risque de contaminat­ion. Tout le monde porte des masques, ce qui peut limiter les dégâts, mais on ne sait pas ce qui va se passer car il nous faut quelques semaines pour voir si les chiffres changent. Mais si la situation devient pire, qu’est-ce qu’on va faire ? Revenir au confinemen­t ? Pendant toute l’année ? C’est une situation impossible. Une catastroph­e absolue du point de vue économique. Il y a déjà des gens qui ont faim, même dans la classe moyenne supérieure, car ils vivent de leur travail.

La France a choisi de rouvrir ses écoles et collèges, alors que la plupart des pays d’Europe, dont le vôtre, ont reporté la rentrée à septembre. Bonne ou mauvaise décision de l’État français selon vous ? Difficile à dire. C’est peut-être une bonne décision si vous protégez les groupes à risque. Les enfants et les jeunes ne sont pas des groupes à risque, alors pourquoi ne pas aller à l’école ? Les Anglais et les Américains ont essayé cette idée, mais ils ont fait une grande erreur : ils n’ont pas protégé les groupes à risque. La stratégie « d’immunité collective » ne peut marcher qu’avec une forte protection des groupes à risque. Mais je ne suis pas un spécialist­e et peut-être ai-je tort.

Comment relancer l’économie si l’école ne reprend pas ? Le paysage économique doit-il, justement, repartir sur le même modèle qu’avant la crise sanitaire ? Le problème ne vient pas de la reprise ou non de l’école mais de la confiance... Si les gens n’ont pas confiance, ils ne consommero­nt pas, n’iront pas dans les magasins, ne voyageront pas quand ce sera possible. C’est dramatique pour les villes et les pays avec une économie basée sur le tourisme. Paris, l’Italie, l’Espagne, le Portugal... Que va-t-on faire sans touristes ?

Quels enseigneme­nts faudra-t-il retenir de cette crise sanitaire ? Faire attention aux épidémies. Et voir la réalité sans le voile de l’idéologie et des préjugés. Par exemple, on a diabolisé Trump lorsqu’il a décidé d’arrêter les vols avec la Chine, même l’OMS l’a critiqué pour cette décision et, finalement, il avait raison. Il nous faut raisonner sans préjuger. Il nous faut comprendre ce qu’est une épidémie et agir selon les nécessités, non selon les idéologies. Les idéologies doivent s’adapter à la réalité, car le contraire ne se produit jamais.

Revenons à votre livre : Un millionnai­re à Lisbonne retrace les dernières années de Calouste Gulbenkian, un Arménien affairiste qui a vécu au Portugal. Qu’estce qui vous a séduit dans ce personnage ? Calouste Gulbenkian est un des hommes les plus importants du XXe siècle. Il a organisé le business du pétrole en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au Venezuela. Il a organisé le business de Royal Dutch Shell, il a donné Elf Aquitaine à la France, il a aidé le Shah de Perse à diriger le monde du pétrole. Il a aussi financé César Ritz dans la création de sa chaîne d’hôtels et il détenait la plus grande collection privée d’art du monde à son époque. Et personne ne le connaît. Comment est-ce possible ?

En travaillan­t sur cet homme, qu’avez-vous appris de votre pays, de son histoire ? On apprend surtout comment les hommes de l’ombre manipulent les choses derrière les politicien­s, car Calouste Gulbenkian était un homme de l’ombre. On pense quelquefoi­s que ce n’est qu’une idée conspiratr­ice de la vie et... Voilà, on se rend compte qu’ils existent vraiment. de José Rodrigues dos Santos. Éditions Hervé Chopin (HC Éditions). 608 pages. 22

Tout le monde porte des masques.”

Que va-t-on faire sans touristes ?”

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