Var-Matin (Grand Toulon)

LES CHOSES DE SA VIE

MICHEL PICCOLI (1925-2020)

- LAURENT AMALRIC

Michel Piccoli s’est éteint [dans l’Eure] le 12 mai dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants Inord et Missia », a-t-il été communiqué sobrement hier matin. L’interprète fétiche de Sautet et Buñuel ne tournait plus depuis quelques années. « Problème d’assurances et de mémoire », avançait-il déjà à l’aube de ses 90 ans. Né en 1925 à Paris « par hasard et par compensati­on », pour « prendre la place » d’un frère mort à 3 ans, Michel Piccoli a dû, tout au long d’une enfance douloureus­e, côtoyer ce fantôme avant de s’en approprier de nouveaux en montant sur les planches à 20 ans. Tremplin vers le cinéma où il débute vraiment en 1949 devant la caméra de Louis Daquin. La rencontre avec Romy Schneider sur Les Choses de la vie en 1969, début de sa longue collaborat­ion avec Claude Sautet, est l’un des points d’orgue de sa carrière qui le vit tourner sous la direction de JeanPierre Melville, René Clément, Peter Ustinov, Alfred Hitchcock, Costa-Gavras, Jacques Brel, Louis Malle, Jacques Demy, Agnès Varda, Manoel de Oliveira, Marco Ferreri, Leos Carax ou encore le Niçois Bertrand Bonello.

People de gauche à Saint-Tropez

Un parcours qui n’éluda pas Saint-Tropez. Le petit village jet-set étant largement au menu des réjouissan­ces de cet homme de gauche côté privé comme public. Tout particuliè­rement dans les années 60-70. Le 28 mai 1967, l’acteur s’alignait ainsi au bras de Juliette Gréco parmi les invités de la soirée inaugurale de l’Hôtel Byblos, dont la marraine n’est autre que Brigitte Bardot. Si la première fut son épouse [lire par ailleurs], la seconde compta aussi largement puisqu’elle fut sa partenaire majeure dans Le Mépris. De son propre aveu, c’est grâce à ce film de Godard qu’il se révèle en 1963. «Au début des années 1960, je n’existais pas », avait-il coutume de trancher. Un an plus tard, c’est au tour du couple Piccoli-Deneuve de s’illustrer sur les plages ramatuello­ises dans La Chamade d’Alain Cavalier, adapté du roman d’une habituée des lieux, Françoise Sagan. Lorsqu’on l’avait rencontré pour sa dernière venue cannoise en 2011 [lire par ailleurs], difficile de déchiffrer la combinaiso­n des rouages alors en mouvement dans cette tête d’artiste intellectu­el qui s’exprimait d’une voix hésitante. « Pour être honnête, je pourrais dire c'est fini : terminer là, avec Nanni Moretti, c'est parfait, ça suffit », certifiait-il alors. Idem sur ses dernières envies de théâtre. « Pour tout vous dire, j'espère juste que Luc Bondy [acteur-metteur en scène, il succéda à Olivier Py à la direction du théâtre de l'Odéon en 2012, ndlr] fasse appel à moi. Ce serait une très belle fin », souriait-il derrière ses paupières lourdes.

« La mort, je m’en fous »

Lorsqu’on lui demandait pourquoi sempiterne­llement conclure comme s’il parlait à sa tombe, il monologuai­t sans dramatiser la scène. « La mort, je m'en fous ! Je suis vieux mais je ne me sens pas encore vieux. C'est égoïste et très bêta de dire ça, j'espère juste mourir sans souffrance­s. Et comme je ne suis pas croyant, je n'ai pas à me poser la question de savoir si oui ou non je vais monter au ciel. Il n'y aura personne pour me juger ! ». À défaut de divinité, les astres ont, semble-t-il, exaucé Michel Piccoli, disparu à 94 ans des suites d’un accident vasculaire cérébral.

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 ?? (Photos DR et doc N.-M.) ?? Après Belle de Jour, retrouvail­les avec Catherine Deneuve, ici dans une scène du film roman de Françoise Sagan adapté par Alain Cavalier, en partie tourné à Ramatuelle.
La Chamade (),
(Photos DR et doc N.-M.) Après Belle de Jour, retrouvail­les avec Catherine Deneuve, ici dans une scène du film roman de Françoise Sagan adapté par Alain Cavalier, en partie tourné à Ramatuelle. La Chamade (),
 ??  ?? Au cinéma, il a joué son père et son mari. Au Théâtre Liberté de Toulon, il fut partenaire de scène de Jane Birkin qui lui envoie des fleurs, en fin du spectacle-hommage autour de textes de Gainsbourg, en . « Il a toujours été là dans les moments difficiles. Il est comme une deuxième famille », dit de lui l’égérie des seventies qui l’avait aussi dirigé dans son film Boxes ().
Au cinéma, il a joué son père et son mari. Au Théâtre Liberté de Toulon, il fut partenaire de scène de Jane Birkin qui lui envoie des fleurs, en fin du spectacle-hommage autour de textes de Gainsbourg, en . « Il a toujours été là dans les moments difficiles. Il est comme une deuxième famille », dit de lui l’égérie des seventies qui l’avait aussi dirigé dans son film Boxes ().
 ??  ?? People aux pieds nus sur le port tropézien en , il fut, en , le protagonis­te de Saint-Tropez, devoir de vacances.
People aux pieds nus sur le port tropézien en , il fut, en , le protagonis­te de Saint-Tropez, devoir de vacances.
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« Le Mépris mais en riant avec Piccoli dans les ruelles de Capri », se souvient B.B. très complice avec l’acteur en marge du tournage de Godard.

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