L’Italie relève le rideau, l’UE sort le portefeuille
Quelque 800 000 commerces, dont les bars et restaurants, ont depuis hier le droit de rouvrir dans la péninsule, où les offices religieux peuvent aussi de nouveau être célébrés
« L’Italie rallume les lumières après 69
jours de fermeture » : le titre de La Repubblica résume bien le soulagement dans la péninsule qui, après un premier assouplissement le 4 mai, a entamé hier la deuxième phase de son déconfinement. Comme un symbole de ce retour à une relative normalité, la basilique SaintPierre de Rome a rouvert ses portes au public. En présence de nombreux policiers portant masque et gants chirurgicaux, une poignée de visiteurs a visité la basilique, coeur du Vatican et qui était fermée depuis le 10 mars. Sous l’immense coupole aux marbres sculptés et polychromes, les fidèles se comptaient sur les doigts de la main, quelques-uns recueillis en prière à genoux devant le tombeau de Jean Paul II, ou admirant la Pietà de Michel-Ange. Autre symbole : quelques-unes des célèbres gondoles ont fait également leur réapparition à Venise, se contentant d’embarquer, faute de touristes, de rares habitants pour traverser le Grand canal de la Cité des doges. Premier pays à avoir confiné il y a plus de deux mois l’ensemble de sa population, l’Italie reste traumatisée, avec une économie exsangue et le décès d’environ 32 000 personnes. Mais hier, la circulation automobile a repris presque normalement dans les grandes avenues du centre de Rome, où la plupart des passants déambulaient avec l’inévitable masque chirurgical sur le nez. Et la majorité des petits et grands commerces, coiffeurs, salons de beauté, bars et restaurants, ont été autorisés à rouvrir à travers le pays – près de 800 000 commerces sont théoriquement concernés par la reprise d’activité.
« Signe d’espoir » pour le pape François, messes et célébrations religieuses ont aussi repris, même si c’est avec séparation obligatoire dans les travées et communion « sans contact ». Une messe a ainsi eu lieu au Duomo, la majestueuse cathédrale de Milan, capitale de Lombardie, région la plus touchée.
« Le pays se remet en route »… timidement
« Le pays se remet en route » , a commenté le Premier ministre Giuseppe Conte, alors que l’épidémie semble aujourd’hui maîtrisée dans la péninsule – le bilan quotidien hier faisait état de 99 morts supplémentaires, un chiffre au plus bas depuis le 9 mars dernier. « Des millions d’Italiens vont reprendre le travail aujourd’hui », s’est-il félicité, tout en prévenant que les prochains « mois
seront très durs et complexes ».
A Rome, quelques devantures de pizzerias, pâtisseries et autres commerces de bouche ont ouvert en milieu de matinée, des tables ont fait leur réapparition sur les terrasses, mais la reprise semblait limitée.
« C’est encore un peu tôt », veut croire Elena, venue déguster son espresso matinal près de la place Campo dei Fiori. « On ouvre pour voir. Si les clients ne sont pas au rendez-vous, alors cette fois on fermera pour de bon », expliquait sans enthousiasme le propriétaire d’un restaurant sur les rives du Tibre, pestant contre les mesures imposées pour distancer ses clients : « Tout cela n’a aucun sens… » Les mêmes scènes se déroulaient dans d’autres grandes villes. A Milan, une grosse moitié des boutiques du quadrilatère de la mode ont rouvert leurs portes, mais sans grande affluence, tandis que les piétons ont partiellement réinvesti le parvis du Duomo. Cette nouvelle étape du déconfinement, un cadre général fixé par le gouvernement, laisse à chacune des 20 régions une large marge de manoeuvre, alimentant parfois la « confusion », selon certaines voix critiques. La prochaine étape est prévue pour le 25 mai, avec la réouverture des gymnases, des piscines et centres sportifs. Le 3 juin, le pays rouvrira ses frontières aux touristes européens, afin de relancer au plus vite le tourisme ; il sera également possible pour les Italiens de voyager librement dans tout le pays (nos éditions de dimanche). En attendant la réouverture des théâtres et cinémas, prévue pour le 15 juin.