Le retour de l’Europe
Enfin, a-t-on envie de dire ! Il aura donc fallu cette pandémie pour que la France et l’Allemagne retrouvent une voix commune. L’affaire n’allait pas de soi, tant Paris et Berlin s’étaient éloignés depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Nul doute que sa volonté juvénile de devenir le nouveau maître de l’Union européenne (UE) et de lui imposer ses règles ont contribué à dégrader les choses. La rigoureuse Allemagne n’entendait pas se laisser dicter son comportement par une France jugée trop volage. L’épidémie aura emporté avec elle ces désaccords, et la date du mai pourrait bien sonner un nouvel élan européen. C’est Angela Merkel qui, hier, a donné le ton dans une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron, en déclarant : « Nous nous orientons vers une nouvelle route. » Fichtre ! la chancelière n’est pas coutumière de tels propos. Ils sont
donc très importants. D’autant plus que, dans un arrêt du mai, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe avait douché les esprits en rappelant la primauté du droit national (allemand en l’occurrence) sur le droit de l’UE, mettant au passage l’avenir de l’euro en péril. Il faut croire que la chancelière Merkel a jugé urgent de réagir avec cette déclaration choc hier : face à la crise économique énorme dans laquelle plonge l’Europe aujourd’hui, « les Etatsnations ne s’en sortiront pas seuls » .Des mots repris par Emmanuel Macron, dans un registre pour une fois bref, sans doute imposé par la sobriété de la chancelière. Ce regain Paris-Berlin est un événement considérable. Car, comme l’a dit le couple Merkel-Macron, il n’y aura pas d’accord des s’il n’y a pas un accord préalable franco-allemand. Il est de taille, puisqu’il s’agit d’un plan de relance de milliards d’euros qui vient s’ajouter aux milliards déjà débloqués par les ministres
des Finances européens il y a quelques jours. L’objectif : créer une nouvelle dynamique à la fois pour aider les régions ou les entreprises mises en péril par la crise, lancer une véritable politique de santé européenne, accélérer la transition écologique et numérique, réduire la dépendance européenne sur des secteurs stratégiques. Avec cette expression clé : inaugurer une vraie souveraineté européenne. Ce n’est pas trop tôt ! Certes, l’affaire n’est pas bouclée, la commission de Bruxelles devra détailler le plan le mai, puis le Conseil européen l’adopter à l’unanimité des pays, ce qui ne sera pas le plus facile, puis le Parlement européen le voter. Mais la volonté d’aller vite est là. Et aussi de mettre au pied du mur tous les autres membres d’une UE travaillée, comme l’a reconnu Angela Merkel, par « des forces divergentes ». Mais elle a indiqué à juste titre, avec l’approbation d’Emmanuel Macron, qu’il s’agit cette fois de défendre à la fois l’Union et la démocratie.
« Il aura donc fallu cette pandémie pour que l’Allemagne et la France retrouvent une voix commune. »