Var-Matin (Grand Toulon)

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Sam Rykiel. Tout court. Il porte le nom de son père, mais le dernier livre de Nathalie Rykiel n’est pas un portrait de lui. Il est bien plus complexe. Dans ces pages, celle qui se consacre aujourd’hui à l’écriture, après avoir dirigé la maison Sonia Rykiel à la suite de son incandesce­nte maman jusqu’en 2012, s’interroge sur sa relation difficile avec ce paternel ambivalent. Cet homme « admirable et infernal ». « C’est un travail sur l’identité et sur le nom qui a été, je l’avoue, déclenché lorsque j’ai compris que la société Sonia Rykiel, que j’avais vendue, allait partir en faillite (1). Un choc inouï. Est-ce que ça allait disparaîtr­e ? J’essayais d’écrire sur mon père depuis des années mais rien ne sortait, et là, ça a été un déclencheu­r. J’ai eu ce réflexe de me dire : il faut qu’on sache d’où vient ce nom. J’ai pu renouer avec cette histoire difficile, manquée, de ma relation avec mon père », explique Nathalie Rykiel qui, à soixante-quatre ans, a replongé dans ses souvenirs d’enfance.

Ses fêlures et les nôtres

À travers ce récit, c’est aussi l’histoire de la maison de couture que l’on (re) découvre avec intérêt. Comment tout est parti d’un petit pull, imaginé dans la boutique de prêt-à-porter de ce Monsieur Rykiel, par sa femme… « J’ai voulu dire aussi, souligne Nathalie Rykiel, que maman s’appelait Annie Flis et qu’elle est devenue Sonia Rykiel dans les bras de mon père. Ce n’est peut-être pas politiquem­ent correct, à notre époque où il faut consolider et encourager les avancées des femmes, mais dire que cette maison Sonia Rykiel, synonyme d’émancipati­on des femmes, de leur liberté, avec des incarnatio­ns fortes comme ma mère puis moi, a été fondée par un homme… Cela me semblait important. » Ce livre, c’est aussi une histoire de famille. Un couple qui se déchire mais qui s’épaule, un père emporté à quarante-huit ans, un petit frère aveugle, une grande soeur qui ne sait plus trop où se mettre. Comment se construito­n dans sa famille… « C’est romantisé parce que mon père et ma mère étaient un couple à la Burton-Taylor, mon frère était ce petit prince qui ne voyait pas, ma mère est devenue si connue… Il y a une légende autour mais, en réalité, c’est ordinaire ! Ne pas vraiment rencontrer l’un de ses parents, la jalousie, l’amour, l’indépendan­ce des femmes, la sororité, la fraternité. Je crois que beaucoup de gens se sont retrouvés là-dedans. » Dans ce livre d’ailleurs, Nathalie Rykiel s’adresse directemen­t à ses lecteurs. « S’il vous plaît, ne me quittez pas », leur dit-elle. Et presque inconsciem­ment, elle a concrétisé cette rencontre pendant le confinemen­t. «Le livre est sorti juste avant, j’étais si triste que tout s’arrête que m’est venue l’idée d’en faire des lectures en live sur mon compte Instagram. C’est devenu un rendez-vous, que j’ai poursuivi ensuite avec mes livres précédents. J’ai reçu plein de réactions et cela m’a apporté énormément. Le lecteur est très présent dans ce livre, vous êtes avec moi, je vous raconte mes fêlures et si vous êtes toujours là, c’est qu’elles rencontren­t les vôtres… » 1. La maison Sonia Rykiel a été liquidée le 25 juillet 2019. En décembre, Michael et Eric Dayan, fondateurs du site Showroompr­ivé rachetaien­t les droits. Ils ont annoncé la reprise officielle­ment le 6 mai dernier.

Il faut qu’on sache d’où vient ce nom”

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