Var-Matin (Grand Toulon)

Le thriller ? « Je suis faite pour ça »

Une jeune femme dans le coma, une mère soumise, un père autoritair­e, un mari perdu et une soeur jalouse. La famille Mercier se déchire autour de Jeanne, maintenue en vie par des machines.

- PAR ALAIN MAESTRACCI amaestracc­i@nicematin.fr

J’ai rencontré un homme qui a vécu trois semaines dans le coma, mais aussi son entourage”

Barbara Abel est une charmante romancière belge. Depuis Bruxelles où elle a répondu à nos questions, elle se montre affable, souriante, riante même, lâchant quelques éclats bien sympathiqu­es. Mais vous ne vous y fiez pas. Elle adore écrire des thrillers psychologi­ques. Elle avait bien essayé d’écrire une comédie (une pièce de théâtre) mais « ça n’a pas été concluant », s’amuse-t-elle. Alors, elle s’attaque au thriller. Et, là, ça marche. Derrière la haine, publié en 2004 aux éditions Fleuve Noir, a été adapté au cinéma par Olivier Masset-Depasse, sous le titre Duelles. Jackpot : huit Magritte – l’équivalent de nos César – dont celui de meilleur film. Il y aura d’ailleurs un remake américain avec Jessica Chastain et Anne Hathaway. Alors voici ce treizième roman – elle en sort un tous les dix-huit mois – qui commence gentiment, trop peut-être, mais vers la centième page, ça tourne vilain. Sordide même. L’histoire est celle de Jeanne, vingt-neuf ans, dans le coma depuis quatre ans après un accident de la route. Le médecin qui la suit préconise de mettre un terme au traitement. Son mari et ses parents sont déchirés et ne sont pas d’accord. Et puis, d’un coup, un événement impensable va se produire et la machine qui maintient Jeanne en vie continue à tourner. Parce qu’il le faut...

Comment êtes-vous venue à l’écriture ? Au départ, je voulais devenir comédienne. J’ai donc suivi des cours de théâtre, j’ai vécu à Paris, j’ai passé des castings, j’ai même écrit une pièce de théâtre et c’est comme ça que ça a débuté. J’ai commencé à écrire pendant les années où je galérais en tant qu’apprentie comédienne. En fait, c’est un éditeur qui s’est intéressé à moi. Un premier bouquin a été publié, puis un deuxième... Je suis devenue romancière sans m’en rendre compte (rires).

Pourquoi aimezvous écrire des thrillers ? J’adore ça ! Je suis faite pour ça, c’est ma manière de penser, d’imaginer. J’aime bien concevoir des histoires avec des tensions entre les personnage­s car je fais dans le thriller psychologi­que.

C’est une histoire vraie qui vous a inspiré celui-ci. Dites-nous en plus... Il y a un personnage dans le coma, c’est une personne qui n’est pas morte mais qui ne vit pas non plus. Ce sont des personnes dont on ne peut pas faire le deuil et c’est cela qui m’a intéressé : comment allait réagir la famille ? D’autant plus qu’il va se passer un évènement qui va changer les réactions de tout le monde. Il y a donc tout à coup un abîme de tensions psychologi­ques possibles entre les différents membres de cette famille qui m’a tout de suite attirée et voilà un point de départ génial pour le thriller.

Avez-vous rencontré des familles confrontée­s à cette épreuve ? En fait j’ai rencontré un homme qui a vécu trois semaines dans le coma, mais aussi son entourage. J’ai pu échanger avec sa compagne, sa mère et son frère. Et, bien sûr, ils m’ont raconté comment eux avaient vécu ce terrible moment.

Certains de vos personnage­s sont odieux... Oui ! Il faut des méchants dans un thriller psychologi­que. Ce ne sont pas des salauds, mais plutôt des êtres humains avec leur côté sombre.

Les femmes sont au centre du roman. C’est important pour vous ? Quand j’ai voulu écrire sur ce fait divers, la grosse première vague de MeToo, #balanceton­porc, etc. était passée et la seconde vague avec Adèle Haenel n’était pas encore là. Mais je trouve que le roman parle de cela : d’une femme qui a été violée et dans l’incapacité de se défendre. Ça reste cependant un thriller psychologi­que, ce n’est pas un manifeste.

Vous pensez qu’il était temps que les femmes réagissent ? Évidemment. Personnell­ement, je n’ai jamais été agressée, je ne suis pas une victime mais quand on entend tous ces témoignage­s de femmes qui ont vécu une vraie tyrannie et un vrai traumatism­e... Il fallait faire exploser cela de manière très forte mais je ne suis pas non plus partisane de toutes les dérives et d’une agressivit­é féminine parfois outrancièr­e. Je reste également persuadée que la majorité des hommes sont des gens bien. Mais il fallait crier fort pour se faire entendre, pour dénoncer ceux qui ne le sont pas.

 ?? (Photo Melania Avanzato) ?? Après ce treizième roman qu’elle vient de publier, Barbara Abel écrit en ce moment une série pour la télévision belge, six épisodes de  minutes. En juillet, « je vais tout doucement me mettre à écrire un nouveau roman », a-telle assuré.
(Photo Melania Avanzato) Après ce treizième roman qu’elle vient de publier, Barbara Abel écrit en ce moment une série pour la télévision belge, six épisodes de  minutes. En juillet, « je vais tout doucement me mettre à écrire un nouveau roman », a-telle assuré.

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