C’est l’odyssée du rap français
Série très osée de Franck Gastambide sur l’envers du décor du monde du rap, carton d’audience durant le confinement et aura une suite. Validé aétéun
Univers devenu incontournable, le rap français est pourtant relativement absent en dehors de sa sphère d’influence. Peu de films à l’exception de projets souvent hagiographiques comme celui de Nekfeu sur Netflix (Les Étoiles vagabondes), et surtout pas de série consacrée au sujet. Pourquoi ? Trop casse-gueule, trop compliqué à mettre en place et sans doute trop difficile à démocratiser. Bref, une galère sans fin. Après tout, comment rendre grand public un art qui, au départ, se veut underground ? Et voilà que Franck Gastambide, papa de Kaïra Shopping, Pataya et Taxi 5, a pris le risque de monter sur pied une série pour dépeindre l’envers du décor à travers l’ascension d’un jeune homme talentueux, Apash. Un jeune rappeur doué qui, parti de rien, va arriver au sommet.
Validé, à travers dix épisodes nerveux, nous emmène dans l’antre du hip-hop français. Du Planète rap de Skyrock à une maison de disques en passant par des guerres d’ego, des tournages de clips ubuesques, des trahisons et des concerts pour, au final, se terminer sur un cliffhanger déroutant qui aura pourtant une suite puisqu’une deuxième saison est d’ores et déjà en cours d’écriture. Même si la série demeure forcément imparfaite car elle prend parfois l’autoroute des clichés et stéréotypes du genre pour plaire au plus grand nombre, elle a le mérite de s’aventurer dans un milieu extrêmement fermé, fascinant, clivant, pour en sortir un produit rythmé mais surtout très bien documenté et crédible.
Inspirée de faits réels
Pour ce faire, Gastambide a emprunté au monde du hip-hop certains de ses codes, et notamment sa jurisprudence. Ainsi, la série débute par l’intrusion d’Apash au micro de Planète rap pour y clasher en direct son idole, Mastar. Une scène qui rappelle la manière dont Fianso, en 2011, s’était incrusté dans l’émission pour y clasher Fababy. Une manière de mettre le pied dans la porte dans un milieu où la notion de mâle Alpha est une question de vie ou de mort. Ainsi, de nombreuses situations décrites dans la série sont inspirées de faits réels, histoire de rendre la folle épopée d’Apash crédible. Mastar, jaloux, ne souhaite pas tourner un clip avec Apash ? Nicki Minaj et Cardi B en 2017 sur le clip Mortosport, chacune étant présente à leur tour mais sans jamais se croiser, ni apparaître ensemble. Apash signe un duo avec Lacrim sur un son destiné initialement à Mastar ? Drake vs P.Diddy en 2014 sur le tube 0to100. Mastar qui décide de sortir son album le même jour que celui de son jeune rival ? Booba qui sort Nero Nemesis en décembre 2015 pour torpiller la sortie de Rohff Game de Rohff. Le concert d’Apash devant une salle vide car son rival a acheté toutes les places ? En 2018, 50 Cent réserve deux cents places du premier rang d’un concert de Ja Rule pour qu’elles soient... vides. Des exemples concrets et précis, comme l’apparition à TPMP pour une tentative de réconciliation (Booba vs Kaaris) ou cet album « dark » réalisé durant sa jeunesse et qui ne doit jamais sortir pour ne pas gâcher la réputation naissante (Nekfeu). La série regorge de situations qui ont réellement existé et qui permettent de dépeindre un univers de requins où la sélection naturelle est impitoyable. Cela montre que Gastambide a surtout voulu crédibiliser son projet, et force est de constater que ça marche plutôt bien. On pourra toujours disserter sur certains choix de casting (Sabrina Ouazani, compagne de Gastambide au civil) et sur la rapidité à laquelle la série s’engloutit (dix épisodes de trente minutes) mais Gastambide réussit le principal : nous emmener au bout de cette odyssée urbaine des temps modernes. Sans oublier les nombreux guests du rap français que l’on prend plaisir à croiser au gré des épisodes : RimK, Kool Shen, Cut Killer, Busta Flex, Mac Tyer, Gringe, Rémy ou encore Lacrim.
Une série crédible et documentée