Réouverture de la frontière italienne : J-
Depuis le 18 mai en Italie, les bars et restaurants accueillent de nouveau de la clientèle. À Sanremo, ces établissements sont en ordre de bataille avant la réouverture de la frontière
Elles sont assises toutes les trois, rigoureusement masquées et à un mètre de distance. Vittoria, Marika et María goûtent à un plaisir retrouvé (photo en bas à droite). Celui de partager un café, assises en terrasse. Devant, on entend le roulis des bateaux et le soleil caresse doucement la promenade. Nous sommes en plein coeur de Sanremo, en face du port. Là, tout n’est qu’une succession de locali, comme on appelle, de l’autre côté de la frontière, les bars et restaurants. La serveuse passe entre les tables et les chaises, les tasses fumantes en équilibre sur le plateau. « On revit, c’est une tradition que nous avons depuis si longtemps », commentent les trois retraitées, très chics sous leurs lunettes de soleil. « Ma fille qui habite Trente (Trentin Haut Adige) vient de repartir, après deux mois de confinement chez moi, soupire de soulagement Maria. J’ai mes habitudes, je me lève tôt, c’est une lève-tard. Enfin, je peux vivre comme je l’entends. »
Des réticences sur la nourriture
La vie a repris à Sanremo, malgré l’absence des touristes, notamment des Français, dont on attend impatiemment le retour. « Je suis satisfaite », commente Francesca, la patronne de Paulo, un joli kiosque situé à l’ombre des arbres à deux pas de la mer. Sur la terrasse, les Italiens savourent leurs cafés, lisent le journal. « Au niveau des boissons, aucun souci, souligne la patronne. En revanche, les gens consomment peu de nourriture. Il reste encore une certaine méfiance. Mais je suis sûre que ce n’est qu’une question de temps, il faut qu’on s’habitue à nouveau. » Derrière elle, la vapeur de la machine à café s’évapore dans un sifflement tandis que le presseagrumes tourne à plein régime. Un doux bruit pour cette barista (barman). « Parlez plus fort, lâchet-elle. Avec les masques et tout le boucan, on ne s’entend plus ». Elle rit. Les habitués entrent, mais seulement masqués. Un seul à la fois. Des marquages au sol permettent de maintenir les distances de sécurité. « Qu’est-ce que je suis soulagée qu’on ait repris. » Un sentiment partagé par de nombreux restaurateurs, malgré une reprise timide pour les osterie (tavernes) et autres trattorie (auberges). « Nous avons de nombreux habitués qui viennent de France », raconte Angela, à la tête du Dehor del Marinaio, un restaurant de poissons qui donne sur le port. Sa clientèle italienne, elle, est principalement lombarde ou piémontaise, deux régions très touchées par le coronavirus. Aujourd’hui, si les Italiens peuvent circuler librement dans leur région, ils ne peuvent se transférer dans les autres que munis d’une autocertification justifiant leur déplacement, sur le même modèle qu’en France. Pour accueillir ses clients, Angela a mis les bouchées doubles. Masque FFP2 vissé sur le visage, elle n’oublie aucun détail : « Il faut que psychologiquement, le client soit rassuré et que, donc, les conditions d’hygiène soient assurées au maximum. »
Des mesures d’hygiène irréprochables
À l’entrée, désormais, un distributeur de gel hydroalcoolique accueille la clientèle. À l’intérieur, les tables sont très espacées. Le cuisinier officie derrière une grande vitre en plexiglas. Les pâtes aux fruits de mer reviennent dans la poêle tandis qu’un fumet délicat envahit la salle. Il est bientôt midi, l’équipe déjeune avant l’arrivée d’éventuels clients. « Ça peine un peu à repartir », grimace la patronne. Elle ajuste une table, explique qu’il est possible de rajouter deux couverts à telle autre, pourvu que les clients appartiennent au même nucleo familiare (famille). Le sel, le poivre et l’huile d’olive ont disparu des tables, ils sont apportés aux clients selon leurs besoins. Un écriteau rappelle les règles en italien, en français et en anglais. Un grand registre trône désormais à côté de la caisse. Chaque réservation est enregistrée : nom, prénom, numéro de téléphone. «Les coordonnées sont conservées quinze jours. Au moindre souci, au moindre cas, les clients sont immédiatement avertis. » Tout est rigoureusement nettoyé, après chaque repas. Quelques tables s’alignent dehors. « Le maire va nous permettre de déborder un peu plus sur la chaussée, sans qu’on ait quoi que ce soit à payer. » Une solidarité locale très forte et essentielle pour cette ville qui accueille 800 000 touristes par an. Le maire, Alberto Biancheri, lui, est soucieux aujourd’hui d’éviter le pire dans un pays où le tourisme représente 13 % du PIB : une saison estivale au ralenti.