Ester a retrouvé tout son éclat
Il est resté près de 80 ans sous l’eau froide de la Baltique, presque intact, préservé du feu qui l’a fait couler grâce aux eaux froides du nord... Ester, né au début du XXe siècle, raconte cette belle histoire des yachts classiques retrouvés, restaurés, remis à flot, comme si le ressac n’avait jamais interrompu leur course. Ce sloop aurique a été dessiné par le Suédois Gunnar Hellgren en 1901, soucieux de créer un voilier capable de remporter la Tivoli Cup, régate opposant, à l’époque, bateaux finlandais et suédois. Long d’une quinzaine de mètres, le yacht est une réussite navale et remporte bon nombre de régates en Scandinavie.
Toujours rapide en course
Ester vit sa vie, au gré des bords et des défis que se lancent les passionnés de voile d’alors, yachtmen fortunés qui trompent l’ennui au creux des vagues. Hélas, en 1937, le feu prend à bord et le yacht doit être réparé. Remorqué vers un chantier, il coule devant le port de Normanön (Suède). Avant que le voilier ne gise par plus de cinquante mètres de fond, ses marins ont le réflexe de percer quelques trous dans la coque, pour éviter qu’elle ne se disloque dans l’eau. Du coup, le bateau tombe au fond sans trop s’abîmer, la quille toujours fixée. Mais voilà, la guerre, le temps, les années... L’oubli. Et puis, il y a quelques années, des passionnés retrouvent l’histoire d’Ester, et surtout sa trace grâce à un sonar. Prudemment, le voilier est sorti de l’eau avant que ne débute une longue et coûteuse restauration, en suivant précisément les plans d’origine et en utilisant les matériaux locaux, comme le pin de Suède. Après presque cinq ans de chantier, Ester reprend la mer. Son propriétaire, Bo Ericsson et sa capitaine, Laurence Rames de Moer, rêvaient de le faire naviguer en Méditerranée : c’est ainsi que le voilier trace de nouveaux bords à la Classic Week de Monaco et lors des Voiles de Saint-Tropez. À l’automne dernier, au large de la presqu’île varoise, avec sa belle voilure et sa proue effilée, Ester a eu un beau succès, de notoriété bien sûr, mais aussi en course, se classant cinquième de sa catégorie. De la lointaine Suède, ainsi, sont revenues les images d’une Baltique magique, à l’écume portée sur les reflets d’acier d’une mer que le soleil polaire éclaire. Des milles aussi distants que le temps, presque une génération, passé sous l’eau à rêver de jaillir de l’eau.