Sélection officielle d’un Festival de Cannes virtuel
Depuis le cinéma UGC Normandie à Paris, Pierre Lescure et Thierry Frémaux ont livré la liste de 56 films bénéficiant du label Cannes 2020, même s’ils ne seront pas présentés sur la Croisette
C’est une scène surréaliste, comme seul le Festival de Cannes peut en produire. Même si ce n’est pas sur la Croisette ni sur un plateau de tournage ! Pas de tapis rouge ni de montée des marches. Pas de smoking ni robe de gala pour une projection en avant-première dans le Grand Théâtre Lumière. Mais depuis le cinéma UGC Normandie à Paris, comme un plaidoyer intime pour la réouverture des salles obscures, Pierre Lescure, président du Festival de Cannes réélu pour un troisième mandat « transitoire », Thierry Frémaux, délégué général aux épaules carrées de judoka dans son costume sombre, et le seul journaliste de Canal +, Laurent Weil, en mode capillaire prédéconfinement. Conversation de salon ? Non. L’annonce, décalée de deux mois, de la sélection officielle Cannes 2020. Soit 56 films, qui auraient dû être projetés dans la cité du septième art lors d’un festival « qui eut pu avoir lieu », pour reprendre la formule de Thierry Frémaux. C’était sans compter sur l’effroyable scénario du réel, celui du coronavirus, qui a rendu la 73e édition virtuelle. Mais puisque « le cinéma est toujours vivant », même sans sa Quinzaine de mai sur la Côte d’Azur, le Festival accompagnera ces longs-métrages lors de leur sortie ou présentation dans d’autres festivals, avec son prestigieux label. Les narquois diront que c’est un peu comme cette ancienne pub pour soda, un Cannes dry : ça ressemble au Festival, ça a l’avantgoût du Festival, mais ce ne sera pas le Festival de Cannes. Hélas ! oui. Évidemment non.
Sélection éclectique
Mais Thierry Frémaux n’a pas son pareil pour transmettre sa passion et donner envie de voir tous les films, à Cannes ou ailleurs, sans compétition ni palme d’or (« à chacun de décerner la sienne »). Une sélection avec des cinéastes déjà reconnus, ou ces fameux « habitués » de Cannes (Wes Anderson, François Ozon, Steve McQueen – qui cumule deux films –, Maïwenn, le Coréen Sang-Ho Yeon…) mais aussi 15 premiers films, dont ceux des acteurs Viggo Mortensen, Laurent Lafitte, ou Nicolas
Maury (de la série Dix pour cent). Des films de femmes aussi, avec 16 réalisatrices (contre 14 en 2019 et 5 en 2015), « fruit d’une évolution observée depuis des années » dans la profession. Une sélection éclectique, alléchante, qui mélange les genres (social, thriller, comédie, film à sketches), les formes (fiction, animation, documentaire) les origines géographiques (Asie, États-Unis, Scandinavie, Congo, Géorgie...) avec une forte délégation française de 21 films, « en raison de leur nombre et de leur qualité, avec des comédiens formidables ». À défaut de festoyer à Cannes, un petit cocorico, et un coup de pouce aux exploitants nationaux... « Pour nous, il n’a jamais été question de dire “au revoir à tous et à l’année prochaine” », insiste Pierre Lescure. En attendant Cannes 2021, rendez-vous est donc pris dans les salles, plutôt que sur la Croisette…