« MON PÈRE S’EST VU MOURIR »
MESURES SANITAIRES TROP STRICTES EN EHPAD ?
Jean-Pierre Tarditti n’emmènera plus son vieux père prendre l’air sur le port de Sanary. « Le papa », comme il l’appelle, a rendu son dernier souffle alors qu’il était confiné dans sa chambre du deuxième étage de l’Ehpad Le Rosaire, à (1) Sanary. Cet ancien maçon, 94 ans, a échappé au coronavirus mais n’a pas supporté l’isolement. « Nos visites quotidiennes, c’était le carburant qui lui permettait de garder le moral et de tenir le coup. Il s’accrochait à nous. On voulait juste qu’il parte dans le bonheur, en présence de ses fils. J’avais organisé ma vie pour ça », témoigne Jean-Pierre Tarditti, rencontré dans le bureau de son avocat. Les « mesures barrières », drastiques dans les Ehpad, ont eu raison de ces rendezvous familiaux. « C’est devenu Guantanamo », déplore Me Jean-Claude Guidicelli.
Les sanglots d’un père désespéré
Également privé de kiné, le vieil homme ne pouvait presque plus marcher, décrit son fils cadet. Il refusait aussi de s’alimenter. « Le papa était en déperdition », se désole Jean-Pierre Tarditti, qui a multiplié les échanges de mails avec l’établissement. Ces dernières semaines, de nombreux professionnels se sont émus de ce « syndrome du glissement ». Combien de victimes collatérales se sont laissé mourir ? « Il risque d’y avoir autant voire plus de décès provoqués par la solitude que par le Covid », s’est inquiétée la déléguée générale de l’association Les Petits Frères des Pauvres, citée par le Journal du Dimanche. Une situation difficile à supporter pour le fils d’Ange Tarditti. « On ne se fait pas à l’idée de l’avoir entendu en sanglots au téléphone. Il me demandait ce qu’il avait bien pu faire pour que je ne vienne plus le voir… » À la faveur d’un changement des règles du confinement, Jean-Pierre Tarditti a finalement pu rencontrer son père le 28 avril, après qu’un médecin a délivré une ordonnance prescrivant une « visite familiale impérative ». Une visite encadrée. « Je l’ai vu un quart d’heure, il m’a demandé : “Et ton frère ?” » Mais il n’y a pas eu d’autre visite. Ange Tarditti est décédé d’un arrêt cardiaque au petit matin du 21 mai. « Ce qui m’arrache le coeur, c’est que le papa s’est vu mourir sans qu’on lui porte secours. » Jean-Pierre Tarditti a saisi un avocat pour envisager une action en justice. « On a des éléments probants qui démontrent que Jean-Pierre Tarditti avait tiré la sonnette d’alarme et que son père était en danger, commente Me Jean-Claude Guidicelli. Ce désastre humain aurait pu être évité. C’est à se demander si la vie humaine a encore une valeur .» 1. Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.