Var-Matin (Grand Toulon)

Domenech charge le Premier ministre

L’ancien sélectionn­eur des Bleus nous a accordé quelques instants pour nous livrer sa position sur l’arrêt des saisons profession­nelles. Et comme sur le terrain, Raymond Domenech n’est pas tendre...

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Raymond, à l’image des terrasses de cafés, la vie semble enfin reprendre son cours cette semaine en France où tout redémarre peu à peu... à part le football. Quel est votre regard sur l’arrêt définitif des saisons profession­nelles ?

Je dirais que c’est facile de juger maintenant que c’est décidé, mais qu’il ne faut pas oublier qu’au moment où la décision a été prise, nous n’avions pas de certitudes.

Vous n’avez pas le sentiment que le football français s’est quand même un peu précipité en choisissan­t de siffler la fin des championna­ts ?

Si. Mais, c’est le Premier ministre qui a mis le feu et qui a déclenché tout ça. Je n’ai d’ailleurs pas compris son interventi­on sur le football (lors de son discours du  avril). Il n’a parlé d’aucun autre sport que du football. Après, tout s’est enchaîné. Et la seule solution était de le suivre.

Aujourd’hui, tous les grands championna­ts européens ont repris ou vont reprendre. Si la Ligue des champions devait, elle aussi, reprendre, considérez­vous que les clubs français encore en lice, à savoir Lyon et le

PSG, seraient copieuseme­nt désavantag­és ? Car en manque de rythme et de repères...

Vous répondre ‘‘copieuseme­nt’’ serait exagéré. Mais j’ai vu jouer le Bayern Munich et je ne voudrais pas que le PSG les prenne (en quart de finale de

Ligue des champions). Ils se sont non seulement arrêtés moins longtemps, mais je peux vous dire qu’ils sont surtout prêts. Les Italiens aussi vont reprendre (le

 juin) et pour Lyon, ça ne sera pas un cadeau ce match retour contre la Juventus (après leur victoire - à Lyon, au match aller, les Lyonnais auront un huitième de finale retour à disputer contre Turin).

À propos de Lyon, le président Aulas a mené la lutte contre cette décision d’arrêter la saison de Ligue . N’était-ce pas le plus mauvais représenta­nt possible pour ce combat ? Le moins crédible...

Oui, Monsieur Aulas luttait contre. Mais peu importe que ce soit tel ou tel président de club qui ait lutté, le problème est qu’ils aient eu à prendre part au débat. J’ai d’ailleurs trouvé très bien ce qu’a dit le président de Media Pro (le nouveau diffuseur

télé) à ce sujet. Il a raison, en Espagne, ou en Italie, on n’a pas entendu les clubs à propos de la reprise ou de l’arrêt. Ce sont les Ligues profession­nelles qui se sont exprimées. Est-ce le signe d’une certaine faiblesse de la Ligue de football française ? C’est ce que dit le président de Lille, Gérard Lopez. Pour moi, ce n’est pas l’institutio­n qui est faible, mais la manière dont elle fonctionne. Il y a quelques années, le président de la Ligue (Frédéric Thiriez) prenait la parole pour l’intérêt général… Pas aujourd’hui ? Quelques-uns l’ont dit. Mais pour moi, je le répète, la responsabi­lité vient du Premier ministre. Après son allocution, on ne va quand même pas dire au Premier ministre, ‘‘monsieur le ministre, tu es gentil, tu restes chez toi’’. On pouvait bien dire ce qu’on voulait, ça n’avait pas de poids. Il me semble même qu’une prise de paroles comme celle qu’il a faite vaut un arrêté… (Saisi par les présidents de Lyon, de Toulouse et d’Amiens, le Conseil d’État examinait jeudi la valeur juridique de la déclaratio­n faite le  avril par Édouard Philippe). Vous parliez de l’Espagne ou de l’Italie, qu’est ce qui est différent là-bas ? Il y a eu des réunions interminis­térielles en Espagne et en Italie. Mais chez nous, ça s’est fait à la va-vite, sur le coin d’une

table. Il n’y a pas eu de vraie réflexion. Ça prouve tout simplement le peu de considérat­ion et d’investisse­ment que les politiques ont pour le sport. On est là pour amuser, pour divertir. Ils sont heureux quand on gagne une Coupe du monde, mais ça n’est pas pris au sérieux.

C’est ancien justement défenseur l’avis chez de les votre Bleus, Willy Sagnol qui expliquait récemment, et dans nos colonnes, qu’en Allemagne la reprise avait tout de suite été envisagée et réfléchie...

Mais en France aussi ! Tous les clubs se préparaien­t sur la base d’un protocole de reprise fait par des médecins. Jusqu’au jour où le Premier ministre a fait sa sortie et où tout est tombé à l’eau. Je n’ai pas entendu un ministre allemand dire ‘‘stop’’. Alors que dans un pays pourtant démocratiq­ue comme la France, je l’ai entendu.

J’ai vu jouer le Bayern et je ne voudrais pas que le PSG les prenne en quart. Ils se sont non seulement arrêtés moins longtemps, mais ils sont surtout prêts...’’

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Entretien réalisé par : Laurent Seguin lseguin@nicematin.fr Photo : PHD

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