GAELLE BELDA gbelda@nicematin.fr
L’idée c’était de trouver un coin de verdure dans le pays grassois où ils vivaient déjà depuis 1986 pour y bâtir quelque chose… En 1991, ils(1) dénichent leur terrain, sur les hauteurs de Grasse. Deux parcelles escarpées, boisées, dont seulement une est constructible. Tranquillement, ils s’approprient le site. La vue est époustouflante. L’inspiration grandissante. Des années d’une belle carrière dans l’immobilier avaient rendu l’oeil de monsieur exigeant et aiguisé. C’est en tournant les pages d’un magazine spécialisé que le couple découvre la maison signée Marcel Lods au Tignet. Ils vont taper à la porte de la villa Le Pas de Pique. Ils finissent par échanger avec Martine Lods, la fille du grand architecte – qui avait notamment oeuvré avec Jean Prouvé – et Robert Rolland, architecte également. « Mais ils ne travaillaient pas pour les particuliers. »
Un voyage initiatique
C’était sans compter la force de leur amitié. Celle qui s’est subtilement tissée. Et le rêve est devenu réalité. «Ça s’est transformé, pour moi, en voyage initiatique. J’ai appris à lire l’architecture avec eux, à la décoder. Je me suis occupé de la maîtrise d’oeuvre. » Au début des années 2000, une première maison de 250 m2 est sortie de terre. Élégante, moderne, totalement intégrée à son environnement, elle a fait le bonheur de la famille des années durant. En parallèle, la seconde parcelle a été autorisée à laisser éclore un autre joli projet. Toujours griffé Lods. Un bijou suspendu, lové dans la végétation, en métal et en bois. Une perle probablement encore plus pure que la première. Quasi vernaculaire.
« De bonnes vibrations »
C’est dans celle-ci qu’ils résident actuellement. La première a été vendue et la deuxième... le sera aussi. Son propriétaire sourit, les yeux dans les ondulations du panorama qui s’offre depuis la terrasse habillée de bois. Toutes les histoires, même les plus belles, ont un début et une fin. Ça va même plus loin : « Cette construction nous ne voulions pas qu’elle ait d’impact sur le terrain. C’est lui, la vraie richesse. Il n’y a quasiment pas de béton, nous avons dû procéder à des fondations spéciales. Nous l’avons pensée comme quelque chose d’éphémère. » Sur ce site, ils avaient comme «une sensation de plénitude ». «Ilyadebonnes vibrations. » Et ce genre de ressenti ne s’écrase pas sous la dalle plombée d’une bâtisse néoprovençale de vilaine facture. Non. Au contraire, il lui fallait de la légèreté. De quoi laisser circuler les bonnes énergies. Des pilotis. L’habitat de 193 m2 est suspendu au-dessus d’une pente à45%.Rire. « Quand je partais le matin et que je voyais les ouvriers s’affairer, je n’étais pas tranquille… À certains moments, je préférais ne pas regarder ! » Tout s’est bien passé. « Nous avions l’expertise de la première. Nous avons utilisé des matériaux plus simples, nous n’avons voulu ni clim, ni chauffage. On a un poêle pour ajuster la température en hiver, si nécessaire. »
Miser sur la simplicité
Les grandes ouvertures vitrées font le job quand on grelotte. Chauffées par le soleil, elles restituent généreusement la chaleur à l’intérieur. En été, elles peuvent totalement disparaître et laisser circuler l’air. Des toiles tendues viennent couvrir la terrasse et bloquer les rayons trop brûlants. On flirte avec l’architecture bioclimatique. Sans compter que ces spectaculaires baies vitrées restructurent l’espace totalement selon la manière dont elles sont positionnées. Simplicité et caractère. La villa a été pensée et agencée de manière intelligente. Esthétique et fonctionnelle. Dedans, on n’est pas minimaliste mais presque. L’ostentatoire n’a pas sa place sur les kilomètres d’étagères en bois. On y trouve l’essentiel. (Lire par ailleurs) 1. Les propriéraires ont souhaité rester anonymes. > Ici on joue des camaïeux. Tantôt bleus, tantôt verts, toujours naturels. Des choix de peinture à la couleur du ciel en passant par les nuances de la végétation méditerranéenne, on évolue dans une profonde harmonie visuelle. Apaisante. Rassurante. Le bois ? Patiné de gris, réchauffé de miel ou quasi brut, il est omniprésent. Sur la terrasse principale il entraîne le regard jusqu’à la balustrade de métal et la vue imprenable. Chaque chambre a ses grandes lames léchées par le temps et les éléments. C’est important. Des terrasses de tailles modérées qui n’oseront jamais rivaliser avec l’immensité de celle à laquelle on accède par le salon. C’est le palpitant de la maison. Là où la famille doit se retrouver et évoluer. Dedans, dehors, on ne sait parfois plus très bien. Le jardin ? À part quelques rangées de bambous travaillées de-ci, de-là, pour le plaisir, il est comme il était à leur arrivée. Dense. Riche d’essences propres au site... et donc autonomes. Il y a bien un système d’arrosage mais ses propriétaires avouent ne presque jamais le mettre en fonctionnement. Une bonne taille une fois ou deux par an et les m de terres retrouvent toute leur fraîcheur.