Var-Matin (Grand Toulon)

Un bon outil de surface qui ne remplace pas le contact

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Certains actes s’accommoden­t mal de la téléconsul­tation, ceux pour lesquels le praticien a besoin d’examiner, de poser les mains sur le patient. D’autres en revanche semblent plus en adéquation avec cette communicat­ion à distance, sans pour autant être la panacée. Hélène Brocq est

Si ses confrères réparent les membres, elle, c’est le moral qu’elle soigne. Élément fondamenta­l dans le processus de guérison. Elle pose un regard mesuré sur la téléconsul­tation, lui trouve des atouts mais aussi des inconvénie­nts. « Nous avons été obligés de nous adapter du jour au lendemain à cause du confinemen­t. Ainsi, nous avons utilisé la téléconsul­tation pour maintenir le lien avec les patients et leurs familles. C’était indispensa­ble. Mais ce n’est pas aussi évident que cela d’écouter les gens à distance. Dans mon travail de psychologu­e, je n’entends pas que les mots, j’observe aussi la personne, ses réactions, la manière dont elle se tient, ce qu’elle fait avec ses mains. Au-delà du verbal, la communicat­ion non verbale est une source d’informatio­n à part entière. Par téléphone ou en visio, on se prive en partie de cela. » Pour autant, Hélène Brocq est lucide : « sans la téléconsul­tation pendant le confinemen­t, ç’aurait été bien difficile. Contre toute attente, les craintes se sont rapidement envolées, l’adhésion a été très rapide pour les familles comme pour les patients. Ces derniers, passées peut-être les premières minutes, ont réussi à parler librement lors des téléconsul­tations. » Toutefois elle tempère immédiatem­ent : « les premiers temps, ils étaient très centrés sur la période d’incubation du virus et sur les risques de tomber malade. Ça les rassurait d’en parler avec un profession­nel. En revanche, il était difficile d’aborder des éléments plus intimes, plus profonds. D’autant que certains ne pouvaient pas forcément s’isoler de leur voisin de chambre pour se confier. Il y a certaines choses qu’on ne dit pas devant des tiers. »

Les mots prennent plus de poids encore

Hélène Brocq le constate d’autant plus qu’elle voit de nouveau les patients dans son service à l’hôpital. «Dès qu’on a renoué avec des consultati­ons en présentiel, ils se sont livrés avec plus d’intensité. La téléconsul­tation, c’est donc un bon outil de surface même si ça ne remplacera jamais la présence et le contact humain. » Contact qui est déjà un peu limité avec le port du masque. Il suffit de le constater au quotidien : difficile de lire les émotions rien qu’avec le regard. Même si la vidéo permet d’enlever le masque, une partie de la communicat­ion non verbale reste amputée.

Un autre écueil

Et la psychologu­e soulève un autre écueil : «Pour le profession­nel c’est très fatigant car cela implique une concentrat­ion maximum, pour essayer de déceler des indices dans ce que l’on perçoit du patient à travers la manière dont il parle, dont il respire. Il faut essayer de se représente­r la personne mais surtout, il faut trouver les mots justes car elle aussi perçoit moins les réactions du soignant et accorde davantage d’importance aux mots que l’on prononce. » Pour bien comprendre, souvenons-nous de ce parallèle : lorsqu’il y a des turbulence­s dans l’avion, qui regardons-nous ? L’hôtesse de l’air. Car son comporteme­nt, nous indique (en partie) s’il y a lieu de s’inquiéter. C’est un peu la même chose ici : le patient guette les expression­s du soignant car lui aussi a besoin d’écouter le langage corporel de son interlocut­eur. Hélène Brocq conclut : « l’important est de garder l’humain au centre du soin car sinon, on risque de se priver de la richesse de la subjectivi­té. On ne peut et on ne doit pas tout dématérial­iser ! »

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(Photo DR) Hélène Brocq, psychologu­e clinicienn­e demeure prudente quant à la téléconsul­tation à haute dose.

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