Var-Matin (Grand Toulon)

Narcos coke en pâte

Entre la Colombie de Pablo Escobar et le Mexique de Felix Gallardo, les narcotrafi­quants ont la cote

- MATHIEU FAURE

Peut-on être un tueur sanguinair­e, porter la moustache, des montres en or, faire fortune dans le trafic de cocaïne et de marijuana et devenir un héros de télévision ? Oui. Et plutôt deux fois qu’une. En prenant le pari osé de raconter l’ascension puis la chute de deux barons de la drogue – Pablo Escobar et Felix Gallardo –, Netflix a mis sur pied une véritable franchise. Bien entendu, comme souvent avec les créations, certains diront que les raccourcis historique­s ont permis d’oublier certains détails. Mais, dans l’ensemble, les cinq saisons retracent assez bien la manière dont les deux parrains ont, chacun dans leur style, mis la main sur le trafic de marijuana et surtout de cocaïne entre la Colombie, le Mexique et les ÉtatsUnis. Mieux, Narcos peut se regarder dans l’ordre que l’on souhaite, et même si des crossovers existent entre les deux séries (quand les histoires se rejoignent), la narration est forcément différente puisque les deux personnage­s principaux n’ont rien en commun. Pablo Escobar, joué magnifique­ment par le Brésilien Wagner Moura (photo ci-dessus à droite) – qui a dû apprendre l’espagnol pour le rôle –, a pendant longtemps voulu devenir une sorte de Robin des Bois local, hésitant d’abord entre la politique et le trafic de drogue au sein du cartel de Medellín. La narration de la partie colombienn­e est confiée à une voix off, celle d’un agent de la DEA, l’agence qui va faire tomber Pablo en décembre 1993.

Le gang des moustaches

La série aurait pu prendre fin en même temps que la chute d’Escobar mais le cartel de Cali, qui va prendre la relève de celui de Medellín, va vite devenir l’acteur principal de la série. Et comme avec Pablo, on va y croiser des gueules à moustache, des chemises ouvertes, des pantalons moule-attributs, des dégaines incroyable­s avec la gâchette facile : Pacho Herrera, les frères Orejuela, Navegante, La Quica, Chepe Londono, etc. Le tout enrobé par des jurons espagnols qui deviennent vite additifs. On aurait pu croire que le fait de quitter la Colombie pour le Mexique dans l’opus Narcos : Mexico allait briser l’élan de la franchise mais non. Sur le papier, il semblait pourtant difficile de passer derrière le médiatique Pablo Escobar mais Diego Luna, parfait en Felix Gallardo, réussit un tour de force incroyable dans les deux saisons mexicaines. On serait presque tenté de dire que la franchise mexicaine est plus consistant­e que la colombienn­e.

Immense Diego Luna

D’une, parce que l’histoire est, même si moins médiatique, fabuleuse du début à la fin avec des rebondisse­ments inattendus, notamment sur l’implicatio­n du gouverneme­nt américain de Ronald Reagan. De deux parce que le personnage de Gallardo prend des contours ultra-ambitieux au fil des épisodes. Petit flic de province originaire du Sinaloa au départ, Gallardo va finalement devenir le parrain de tout le Mexique après avoir eu la brillante idée d’unir tous les clans du pays pour former une sorte d’« OPEP de la marijuana » dans un premier temps avant de se lancer dans la cocaïne... via les cartels colombiens. Mais c’est surtout Luna qui casse la baraque car il détonne des autres parrains. Petit, fluet, solitaire, discret, presque sans épaisseur... mais c’est tout le contraire en réalité. Machiavéli­que, stratagème, Luna va vite passer de ce jeune caïd qui peine à physiqueme­nt exister dans la même pièce que ses pairs à ce parrain qui, après

Avec haine, armes et violence

chaque confrontat­ion psychologi­que, prend de l’épaisseur. Être parrain l’épuise, l’éreinte, le tourmente. Ce n’est pas son monde ni sa vision de la vie mais il est avide, aime le pouvoir et tout ce qu’il peut donner (argent, domination, sexe, importance). Luna sublime Gallardo sans pour autant le rendre aimable au sens premier du terme. Narcos : Mexico trouve aussi le moyen de mettre sur les rails « El Chapo », un autre narcotrafi­quant bien connu que l’on pourrait retrouver par la suite, sans oublier le rôle obscur des barbouzes américains durant les années quatreving­t. Mais tout n’a pas été de tout repos dans la production d’une telle oeuvre. En repérage au Mexique pour la série en 2017 un assistant, Carlos Muñoz Portal, a été retrouvé mort, criblé de balles. C’est aussi ça, la triste réalité de Narcos.

Narcos et Narcos : Mexico, cinq saisons.

Disponible­s sur Netflix.

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