Var-Matin (Grand Toulon)

Le rappel à l’ordre

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Les services de renseignem­ent avaient prévenu : la sortie du confinemen­t ne serait pas un fleuve tranquille. Antifas, anars, blacks blocs, identitair­es et autres nationalis­tes-révolution­naires préparaien­t à leur manière le retour à la « normale ». Tout ce que la France compte de mouvances radicales – ultra-gauche, ultra-droite ou ultra-jaunes, voire certaines franges du mouvement syndical –, si disparates et opposées soient-elles, toutes avaient au moins un objectif immédiat en commun : tirer parti des circonstan­ces et des ressentime­nts accumulés pendant la crise sanitaire pour relancer et radicalise­r la contestati­on. Faire des jours d’après des jours de colère. Nous y sommes. C‘est maintenant. Pas l’embrasemen­t général. Mais une inquiétant­e multiplica­tion de foyers, alors que les forces de l’ordre, usées, épuisées par des mois et des années de face à face avec une protestati­on multiforme grondent contre un ministre en qui ils ont perdu confiance – et que la rumeur donne partant au remaniemen­t qui devrait suivre le second tour des municipale­s. Hallucinan­tes scènes de guerre des gangs à Dijon, où la police a dû se contenter d’encercler les protagonis­tes à distance, ne voulant pas risquer un clash sanglant avec des groupes imposants et lourdement armés. Rixes en série et fusillade à Nice, dans le quartier des Liserons, sur fond de trafic de drogue. Et hier, à Paris, en marge de la manifestat­ion pacifique des soignants (« manifestat­ion saccagée, squattée » par les casseurs, certains avec le tee-shirt Adama Traoré, dira l’urgentiste Patrick Pelloux), ces images de bandes agressant et caillassan­t les forces de l’ordre, au milieu d’une nuée de pseudo-reporters à smartphone – comme un brûlant rappel des journées de décembre . Au même moment, à l’Assemblée nationale, Christophe Castaner tentait laborieuse­ment de retisser le lien avec ses troupes et se défendait de les avoir jamais « lâchées ». Qu’il y soit contraint, et doive encore et encore se dire «fier» d’elles, cela dit assez le trouble qu’ont installé dans la police, et au-delà, ses cafouillag­es et ses changement­s de pied dans la gestion de l’étrange séquence qui vit un petit groupe d’activistes, autour de la famille Traoré, profiter de la vague BlackLives­Matter pour confisquer le mouvement antiracist­e et imposer son agenda. Et les autorités françaises s’empêtrer dans les injonction­s contradict­oires – la pression de la jeunesse des cités d’un côté, le besoin de réassuranc­e des policiers de l’autre – pour, finalement, perdre sur les deux tableaux. Pas en même temps : en deux temps. C’est à ce tango boiteux qu’Emmanuel Macron a voulu mettre un terme dimanche par une sentence en forme de rappel à l’ordre : « Sans ordre républicai­n, il n’y a ni sécurité ni liberté. » « Ordre » : le mot ne fait pas tellement partie du lexique macronien. Il sonne plutôt LR ou RN. A la rigueur, Ségolène Royal. Un tournant ? A confirmer. En tout cas, la prise de conscience d’une urgence. Reste à la traduire dans les faits. Sinon, le mot pourrait revenir en boomerang. Et c’est la société, alors, qui pourrait se charger de rappeler le pouvoir à l’ordre.

« “Ordre” : le mot ne fait pas tellement partie du lexique macronien. »

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