Var-Matin (Grand Toulon)

« Lulu » les mains sales

Lucien Aimar, seul Varois a avoir remporté le Tour de France, a profité du confinemen­t pour travailler la terre et réfléchir à sa condition d’homme. Et le champion est inquiet...

- VINCENT WATTECAMPS

Là, des tomates. Noires de Crimée et cerises. Ici, des salades. Par centaines. Frisettes et laitues. Là-bas, des pois gourmands. Et au milieu, une légende. Bêche à la main, l’oeil pétillant, et la langue bien pendue. Après deux mois de confinemen­t, Lucien Aimar a des choses à dire. Et à faire goûter. Autour d’un turbo - ça ne s’invente pas ! - cuit au feu de bois, le vainqueur du Tour de France 66 saute d’un sujet à l’autre. D’un col nommé Amstrong à l’avenir de l’humanité, en passant par le calendrier cycliste 2020 chamboulé et, évidemment, le Covid-19...

« Ce confinemen­t m’a fait du bien physiqueme­nt »

Ce satané virus n’a heureuseme­nt pas touché le champion. Du moins physiqueme­nt. Car Lucien Aimar le reconnaît, du haut de ses 79 printemps, il est « inquiet ».« J’ai presque peur, confesse-t-il. C’est déstabilis­ant, car l’ennemi est invisible et peut frapper n’importe qui. Alors on pourrait croire que tout cela, la maladie et le confinemen­t, aurait amené les gens à changer leur façon de vivre. Mais je crains que rien ne change finalement...» Lui, en tout cas, a pris le taureau par les cornes. Et s’est mis au vert. Littéralem­ent. « Grâce à mon potager, j’ai perdu dix kilos ! C’est du travail, et on mange sainement après. Je me suis fait une cure de désintoxic­ation alimentair­e (rires). Comme une préparatio­n sportive. Des légumes et des fruits. Ce confinemen­t m’a fait du bien physiqueme­nt. » Pour autant, n’espérez pas voir à nouveau Lucien sur un vélo. Désormais, c’est la marche à pied son credo « avant, je ne faisais pas 100 mètres sans être essoufflé, aujourd’hui je peux faire quatre kilomètres d’une traite »et tant pis pour le Tour de France, qu’il regardera bien sagement de son canapé. Mais cette 107e édition, Lucien l’attend quand même avec impatience. « Décaler la course a été une bonne décision. On ne peut taxer la direction de course de frilosité dans cette affaire. Des vies sont en jeu. Et puis, en septembre, le climat sera bon. De fait, avec ce nouveau calendrier, les préparatio­ns ne seront pas optimales. Il y aura des défaillanc­es, mais les favoris seront les mêmes. Il n’y a pas de raison de ne pas voir un Français briller le Tour. Bardet a pris un peu de l’âge, je ne sais pas si Pinot peut tenir trois semaines et c’est un peu tôt sans doute pour Alaphilipp­e, mais tout est envisageab­le. Le problème des coureurs français est qu’ils sont formatés pour les courses à étapes du genre Paris-Nice ou Le Dauphiné. Cela évolue, mais lentement...»

« La ferveur sera incroyable en septembre »

Tout comme la pousse de ses salades en fait... Ses nouveaux coureurs de fonds. « Il ne faut pas être pressé, et laisser le temps faire son oeuvre. En cyclisme aussi, il ne faut pas brusquer les choses. Le Covid-19 peut forcer certaines équipes à mettre la clé sous la porte, mais d’autres sponsors prendront le relais. Le vélo garde un certain standing auprès des gens. Vous verrez, la ferveur sera incroyable en septembre. » Paroles de connaisseu­r. D’homme de la terre, qui après une vie à 100 à l’heure, fait l’éloge de la lenteur.

Il n’y a pas de raison de ne pas voir un Français briller sur le Tour ”

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