Var-Matin (Grand Toulon)

La gestion de la crise au coeur des débats à la Région

La première séance de l’après-Covid 19 a donné lieu, hier, à une distributi­on de bons et de mauvais points. Elle a aussi mis tous les conseiller­s présents d’accord : il faut décentrali­ser

- J. P. jpoillot@nicematin.fr

Une crise sanitaire a séparé l’assemblée plénière du conseil régional du 13 décembre dernier et celle qui s’est tenue hier à Marseille. Alors forcément, il y avait des choses à dire… Même si les règles en vigueur avaient contraint les différents groupes à restreindr­e le nombre d’élus autorisés à siéger (40 sur 123), les échanges autour de cet événement sans précédent ont été nourris. Le président Renaud Muselier (LR) a ouvert la séance par « une pensée pour les personnes arrachées à la vie, pour les proches et les familles endeuillés et pour les personnels soignants ». Puis il s’est lancé dans un long satisfecit sur la gestion de cette période par les équipes de la collectivi­té qu’il dirige : « Dans tous les domaines, à toutes les étapes de la crise, nous avons essayé d’être à la hauteur, nous n’avons pas tremblé », citant, entre autres, « le plan d’urgence, de solidarité et de relance de l’économie d’1,4 milliard d’euros » ou « les 13 millions de masques, dont 4 millions pour nos soignants » (lire nos précédente­s éditions).

« Où est passée votre colère ? »

Même dans les rangs clairsemés de l’opposition, le Rassemblem­ent national, par la voix du Varois Frédéric Boccaletti, a acquiescé… jusqu’à un certain point : « Nous l’avons dit et nous le dirons encore durant cette assemblée plénière : nous soutenons et soutiendro­ns les bonnes mesures, celles qui ont été prises, celles qui le seront. Mais pour autant, nous ne pouvons tout accepter. » Le président du groupe RN s’est alors adressé directemen­t à celui de la Région : « Pour moi, il y a eu deux périodes dans cette gestion de crise. Les premières semaines : justesse dans votre rôle ; exemplaire à tout point de vue ; sobre et fédérateur. Et puis, malheureus­ement, le jeu politique a repris, comme un goût de campagne électorale avant l’heure : votre plan d’1,4 milliard totalement exagéré, la communicat­ion autour des masques, des pages entières de publicités dans la presse régionale, ces distributi­ons des masques savamment orchestrée­s sur des zones avec double casquette (1). Enfin bref, de la com’… » Et de « demander simplement à l’homme : où est passée votre colère ? Où est passé le Renaud Muselier en pleine tempête qui disait en substance : “Pour l'instant on fait face ensemble, mais on réglera les comptes après sur l'impréparat­ion, l'orgueil, les mensonges du gouverneme­nt.” (…) Il suffit que le gouverneme­nt vous accorde différente­s choses pour les Régions et tout disparaît ? (...) N'êtes-vous pas en colère en tant qu'homme, en tant que médecin ? » Sans se départir de son allant habituel, mais certaineme­nt piqué au vif, Renaud Muselier a évidemment répondu à son opposant, avec qui, a-t-il confié, il entretient au demeurant des rapports cordiaux malgré des idées souvent divergente­s. Évoquant sa longue expérience politique et les crises qu’il a pu gérer, il a expliqué qu’il n’avait pas voulu que celle-ci soit parasitée par des polémiques.

En temps voulu...

Les décisions à prendre, d’abord. « Ce sont mes vieux réflexes d’urgentiste », a-t-il illustré. « Mais ne pas vouloir de polémique ne veut pas dire que l’on consent, qu’on est aveugle », laissant largement entendre par là que des comptes seront demandés en temps voulu. Comme, par exemple, l’histoire de ces masques vendus dès l’autorisati­on donnée par le gouverneme­nt par des enseignes de la grande distributi­on, qu’il soupçonne fortement de les avoir stockés (« j’ai des preuves ! »), alors que des soignants étaient dans le besoin. « Et alors que la Région a mis trois semaines pour en avoir ! C’est minable ! », s’est-il emporté.

« Condescend­ance jacobine »

Quant aux accusation­s de moyens de communicat­ion détournés à des fins politicien­nes lancées par Frédéric Boccaletti, l’intéressé balaye : « Oui, je gesticule. Parce qu’à la Région, on fait des choses, on dépense des millions (pour les population­s) et je veux que ça se sache. » Il est en revanche un point sur lequel le groupe RN et celui de la majorité (l’Union pour la Région - UPR) se rejoignent : c’est la « mauvaise » gestion de la crise par le gouverneme­nt. Et pour ça, ils ont un début de solution, que le président azuréen du groupe UPR, Pierre-Paul Léonelli, a résumé : « 30 000 morts, des structures hospitaliè­res dont l’implosion a été évitée de justesse grâce à l’engagement exemplaire de nos soignants, et une incapacité de répondre aux besoins en masques et tests : voilà le résultat des certitudes imposées par les technocrat­es de Paris et de la condescend­ance jacobine de l’État à l’égard des collectivi­tés locales et territoria­les, sans la contributi­on desquelles rien n’aurait été possible. Cette pandémie a prouvé que plus que jamais, l’État doit s’appuyer sur les territoire­s en leur donnant plus de pouvoirs. » Le président Muselier, qui est également le président des Régions de France, s’est engagé à mener aussi ce combat-là.

1. En référence aux élections municipale­s à Marseille, pour lesquelles Renaud Muselier n’est pas candidat, mais où il appelle à faire barrage à la gauche ; puis aux élections régionales qui approchent.

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(Photo J. P.) À cause des mesures sanitaires en vigueur, un nombre restreint d’élus a pu siéger, dans le respect de la proportion­nalité des groupes.

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