Var-Matin (Grand Toulon)

Mémoire déconfinée

Chaque samedi, la rédac’ passe à la moulinette le meilleur du pire de l’actualité de la semaine

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Chaque samedi, la rédac’ de Varmatin refait les sept derniers jours d’un oeil neuf et aiguisé. Avec l’actualité locale comme terrain de jeu, nos journalist­es se livrent à un décryptage volontaire­ment subjectif. Un “(dé)blocnotes” pour que rien ne puisse vous échapper…

boîte juin : ouvrir la de Pandore

La première question qui vient à l’esprit, c’est : pourquoi faire cela aujourd’hui ? Pourquoi Sandrine Hacquard rend-elle public, trois mois après le premier tour des municipale­s à Saint-Raphaël, le différend qui l’oppose à sept de ses colistiers ? Pourquoi formaliser, par voie de presse, l’exclusion – purement symbolique – d’une liste désavouée par les électeurs (1) ? Ce faisant, elle s’expose aux sarcasmes de ses adversaire­s. Christophe­r Pecoul, le premier, s’est fendu d’un communiqué au vitriol : « On découvre que [la candidate LREM] n’avait pas la capacité de gérer une équipe, grince le conseiller RN. Et, encore pire, qu’elle s’adonnait à des manoeuvres politicien­nes avec Monsieur Ginesta. Il est temps pour la Fréjusienn­e de se remettre à la Bravade et d’arrêter d’utiliser les Raphaëlois pour tenter d’exister. » Plus encore, l’élue d’opposition prête le flanc aux flèches de ceux qu’elle accuse de « propos agressifs et haineux » à son égard. Ces derniers n’ont pas tardé à répondre en brossant le portrait d’un leader sous influence, incapable de « manager » des personnali­tés disparates et péniblemen­t assemblées – « Même en ratissant les conjoints, la famille et les amis, ç’avait été compliqué de trouver trente-neuf noms pour la liste » ,affirme Eliane Rogez, l’une des colistière­s « excommunié­es ». Sandrine Hacquard a ouvert « sa » boîte de Pandore. Elle aurait dû méditer le mot d’Antigone II, roi de Macédoine : « Mon Dieu, gardezmoi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! » Car il est parfois dangereux de déconfiner les mémoires.

du juin : Jean Moulin confinemen­t

Autrefois, les témoignage­s couraient comme des torrents. Puis, commémorat­ion après commémorat­ion, ils ont commencé à se tarir. Plus les rides se creusaient, plus les dos se voûtaient, plus la parole se raréfiait. La Seconde Guerre mondiale ? L’occupation ? La Résistance ? La déportatio­n ? Pour les nouvelles génération­s, ces concepts rejoignent peu à peu les guerres napoléonie­nnes et la défaite de Vercingéto­rix dans les tiroirs poussiéreu­x de l’histoire. De Gaulle, c’était quel siècle, déjà ? Avant ou après Louis XIV ? Faute de témoins vivants, cette « désincarna­tion » permet des comparaiso­ns pour le moins hasardeuse­s : on parle de « guerre » contre un virus, on assimile les citoyens confinés à des « résistants ». Il faut revenir aux récits glaçants de ceux qui ont vécu ces heures noires, ceux qui racontent la peur de se faire arrêter, le bruit des bottes dans les rues désertes, les exécutions sommaires « pour l’exemple ». Et cesser de se prendre pour des héros – ou des insoumis – parce qu’on va boire une bière en terrasse au milieu de la foule. Écouter les derniers qui savent. Car il est toujours nécessaire de déconfiner la mémoire.

1. La liste « Votre Saint-Raph » a obtenu 6,78 % des suffrages et un seul élu au conseil municipal.

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