Profs “décrocheurs” : le coup de gueule d’une directrice
Flayosc À la tête de l’école Ernest-Maunier, Valérie Kersual ne digère pas le discours du ministre de l’Éducation qui envisage de sanctionner les enseignants “décrocheurs”. Elle s’en explique
Une “prime Covid” pour les enseignants les plus investis, et des sanctions pour les « décrocheurs ». Ces mots, formulés par le ministre de l’Éducation nationale au micro de RTL le 10 juin, Valérie Kersual ne parvient toujours pas à les digérer. Et bien que le ministre ait entre-temps fait machine arrière (lire par ailleurs), pour la directrice de l’école flayoscaise ErnestMaunier, le mal est fait… « Alors comme ça, notre cher JeanMichel Blanquer envisageait de punir les professeurs “décrocheurs”, s’insurge-t-elle. Mais estce que les jurés du tribunal qui aurait été chargé de les sanctionner savent que nous ne sommes que les instruments d’un ministère qui délivre des ordres tardifs et souvent contradictoires ? », interroge avec fougue la directrice. Avant d’entrer dans les détails : « La reprise du 12 mai ? Je l’ai découverte, ébahie, devant mon poste de télévision, sans qu’il n’y ait ni annonce préalable, ni préparation en interne. À ce moment-là, le ministre n’en était pas à son coup d’essai », déplore Valérie Kersual.
« Avant de stigmatiser, il faut comprendre les réalités du terrain »
« Car il ne faudrait pas oublier, poursuit-elle sèchement, que le jeudi 12 mars à 17 h, le même ministre annonçait qu’il n’était pas question de fermer les établissements scolaires alors qu’à 20 h, le président de la République ordonnait la fermeture de toutes les écoles du territoire. Sans parler du nouveau protocole sanitaire applicable à compter du 22 juin, que nous n’avons reçu que ce mercredi, tardivement, dans nos boîtes mail… » Convaincue, la responsable poursuit de plus belle : «Au lieu de pointer du doigt les 5 % de professeurs “décrocheurs”, ne fallait-il pas commencer par analyser, et surtout comprendre, les réalités du terrain ? D’ailleurs, comment ce pourcentage a-t-il été obtenu ? Comment jauger sa fiabilité ? Pour ma part en tout cas, personne ne m’a jamais rien demandé. Et pourtant, les seize enseignants de l’école Ernest-Maunier se sont montrés exemplaires. » Pour appuyer ses propos, la directrice de l’établissement explicite : « Comme tous leurs confrères, les professeurs n’ont eu qu’un weekend pour se préparer au télétravail. Il a fallu tout faire dans la précipitation, ça a été la panique à bord. Tous n’ont pas les mêmes compétences informatiques et ont dû travailler avec leur propre matériel. Est-ce que notre ministère sait cela ? Est-ce qu’il sait que ces derniers mois ont été tout sauf des vacances ? Qu’il a fallu gérer ces classes virtuelles auxquelles nous n’étions pas préparés, mais aussi accompagner et rassurer les parents. Que nous n’avons pas décroché, pas même les week-ends et jours fériés. Et que depuis le 12 mai, les profs font double boulot en assurant la classe, en présentiel et en distanciel… »
« Nous avons besoin de dialogue en interne »
Avant de clore son propos, Valérie Kersual exprime toutefois une dernière requête : « Je ne suis pas syndiquée, je n’ai aucune étiquette politique, je suis une directrice bafouée, humiliée par son ministère. Pour ma part, je ne connais pas de “décrocheurs”. Il y en a sûrement, mais ce n’est pas mon boulot de parler pour les autres. Dans chaque école, il y a une hiérarchie et c’est
à elle que revient la résolution de ces problèmes. Au lieu de ça, nous avons droit à des effets d’annonce dans les médias… Alors je vous en conjure, Jean-Michel, ne nous envoyez plus de vidéos pour nous remercier de notre investissement, si c’est pour nous sabrer ainsi en public. Nous avons besoin de dialogue en interne, pas d’être pointés du doigt. Il serait judicieux de commencer à travailler avec nous et de nous délivrer les informations avant la presse. Ça oui… »