Var-Matin (Grand Toulon)

CHAMP DES POSSIBLES

À Cagnes-sur-Mer, des passionnés façonnent le premier éco-lieu inclusif de la région. Un site sur lequel handicapés ou non pourront approcher des chevaux, des animaux, jardiner bio et vivre ensemble.

- AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

Il y a ces pierres anciennes qui emplissent de charme le château des Salles. Ex-propriété des Grimaldi, relais de diligence associé à leur noble villégiatu­re du Haut-deCagnes. Une bâtisse historique classée à rénover, adapter. Il y a surtout l’immense terrain, les herbes hautes qui ont couru, un peu folles, libres depuis des années. Des pruniers, des eucalyptus, rares vestiges d’une pépinière d’arbres qui poussait ici, les cyprès, une poignée d’oliviers... Le doux parfum du figuier qui accueille le visiteur. Au loin, le paddock voit le jour. Praline, Sally et Nino y prennent leurs aises. Douce cavalcade.

Créer ce qu’il manquait

Quelques restanques sont désherbées, les clôtures posées. L’huile de coude est là, à deux pas. Une dizaine de paires de bras hyper motivés, qui se relâchent un peu à l’heure de la pause déjeuner : Mary, qui prend de jolies couleurs à travailler sous le cagnard. Anne. Astrid. La ravissante petite Alice. Yohann. Mais aussi Matthieu, Joe, Diane et Aurélia, les chevilles ouvrières de ce magnifique projet : L’Alterrecho. Nom de la société coopérativ­e (SCIC) qui sonne comme l’autre,

comme la terre, comme l’écologie, comme l’écho. Mot-valise pour capter l’essence de ce lieu unique dans le départemen­t. Joe François sourit. Son rêve est en train de s’exaucer. Celui de « cet éco-lieu inclusif, dans lequel les personnes présentant un handicap et celles qui n’en ont pas pourront être dans la nature, au contact des animaux de la ferme ou des chevaux qui ont un effet très apaisant. Jardiner et récolter bio. Vivre aussi. »

Il aura fallu du temps, un joli coup du destin pour trouver le terrain.

« Ma fille, en situation de handicap, est une grande amoureuse du cheval. Je suis alors partie en quête d’endroits pouvant l’accueillir dans les Alpes-Maritimes. Rien n’existait en dehors des clubs classiques où le regard sur le handicap peut être compliqué parfois. »

Et puis, elle cherchait aussi un lieu adapté, où sa fille pourrait vivre, une fois adulte. À la campagne, près de la nature... « Là où elle se sent

bien. » Ça, ça n’existait pas non plus. Se lancer, créer, innover. Oui, mais pas seule. Les gens bien attirent les gens bien dit la maxime. Elle se vérifie à L’Alterrecho. « En 2015, j’ai senti que le moment était venu de “faire”, retrace Joe. J’ai rencontré Diane Pallotta, équithérap­eute. C’était une conspirati­on céleste. En une nuit, j’ai écrit les statuts de l’associatio­n Happy Hand, dont l’objectif principal est de bâtir un handicap citoyen sur laquelle. L’Alterrecho en est la continuité. »

Le bien vivre ensemble

Joe remue ciel et terre pour lever des fonds afin de mener ses actions. Ses journées Mêle-Anges, d’abord. Sport et culture pour tous. Pas question de faire de l’assistanat. Non, l’associatio­n favorise le bien vivre ensemble. Calibrant ses groupes en fonction. Afin de garder toujours la notion de plaisir entre participan­ts en situation de handicap ou non. La clé du partage. Retrouvée aussi dans la médiation équine. Là, c’est le royaume de Diane. Ancienne de la communicat­ion, elle s’est formée en équithérap­ie et en équicie il y a quelques années. « Le cheval est à la fois un animal docile et instinctif mais qui garde une part sauvage. Avec lui, on ne peut pas porter de masque. En revanche, on peut le laisser nous porter », explique cette passionnée qui a monté sa structure, Équitation de sagesse, et dont l’activité a déjà débuté à l’éco-lieu du chemin des Salles, à Cagnes-surMer grâce à un prêt à usage du site.

Les autres volets écloront eux en 2021, quand la vente du château sera définitive­ment signée et financée grâce aux sociétaire­s qui prendront part au projet. Terre fertile, L’Alterrecho produira donc ses légumes bio pour être en autonomie mais aussi, si cela est possible, pour nourrir l’extérieur. « La municipali­té est intéressée, notamment pour les cantines scolaires. On aimerait aussi que ce terrain soit une zone test pour la permacultu­re et un lieu ressource pour les agriculteu­rs souhaitant se lancer », assure Aurélia Giordaneng­o, paysagiste de ce futur jardin d’abondance. Et puis, il y aura encore la ferme pédagogiqu­e, avec des animaux tout doux, à cajoler. Le domaine de Matthieu Blandin, président de la SCIC. Expert en éco-lieux, il a notamment oeuvré en Nouvelle-Zélande avant de venir dans les Alpes-Maritimes pour intégrer ce projet « passionnan­t ». « De mes expérience­s, je retiens que ces lieux ne fonctionne­nt qu’à la condition qu’ils rassemblen­t déjà une communauté avant d’exister. Il doit y avoir une idée commune ainsi que du coeur. » Et, ça, L’Alterrecho en est pétri.

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