Le télétravail, fossoyeur de la restauration ?
Le télétravail généralisé depuis le début de la crise sanitaire plombe l’activité de la restauration, en premier lieu collective, notamment dans des quartiers d’affaires aux sièges sociaux d’entreprises désertés, mais aussi commerciale, car déjeuners professionnels et entre collègues se font rares. « Aujourd’hui la plupart des entreprises, des administrations, n’ont pas repris le travail en “présentiel”, il n’y a plus de conventions, de séminaires, et beaucoup de réunions se font via Zoom, Skype... c’est autant de repas en moins pour les restaurateurs et de nuitées en moins pour les hôteliers », constate Frank Delvau, coprésident pour Paris et l’Ile-de-France de l’Umih, principal syndicat de l’hôtellerie-restauration. Car en semaine, la clientèle d’affaires et celle des travailleurs en pause déjeuner génèrent 80 % de l’activité des restaurateurs... or cinq millions de salariés étaient en télétravail en mai, à la veille du déconfinement, selon le ministère du Travail, et les voyages d’affaires sont au point mort. Les restaurateurs espèrent que le retour obligatoire des enfants à l’école et en crèche – à compter de lundi – va permettre à nombre de salariés au télétravail depuis trois mois de retrouver leur entreprise et de refaire des repas « entre collègues ». Pour les inciter à retourner au restaurant, le gouvernement a doublé le plafond journalier des tickets restaurant, porté à 38 € jusqu’à la fin de l’année. Quant à l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes en vigueur jusqu’au 31 août, elle a mis un coup d’arrêt aux salons, congrès, foires.
Restauration d’entreprise « sinistrée »
Autre victime du télétravail : la restauration d’entreprise [photo AFP], « sinistrée » par l’épidémie de Covid-19 qui a été un vrai « choc systémique », a déclaré, lundi, devant la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale Anna Notarianni, présidente pour la France du géant Sodexo. « Le télétravail s’est imposé, non pas comme une règle absolue mais on sent bien qu’il va rester quelque chose d’important en France [...] et nous sommes très prudents parce que nous n’avons pas de visibilité sur la vitesse de la reprise » de cette activité, a-t-elle poursuivi. Sanctionné en Bourse pour cette absence de visibilité qui a fait fondre le cours de son action, entraînant sa sortie du CAC 40, Sodexo s’adapte de façon accélérée à la demande d’entreprises qui veulent donner à leurs salariés des « cartes restaurant » permettant de déjeuner sur son lieu de travail mais aussi de régler des repas pris en télétravail. Car si «40%denos restaurants d’entreprise ont rouvert, leur taux de fréquentation est vraiment marginal. C’est un enjeu colossal de convaincre les clients qu’on peut revenir travailler dans les lieux physiques », a affirmé Anna Notarianni. Pour Sodexo qui réalise en France 70 % de son chiffre d’affaires dans la restauration – dans les secteurs scolaire et médico-social aussi –, « il est clair que nous allons vivre deux ans qui vont être difficiles » ,a déclaré aux députés Denis Machuel, directeur général de Sodexo.