Var-Matin (Grand Toulon)

Cyril Gelblat : « Une expérience à vivre collective­ment »

Le metteur en scène, qui vit dans les Alpes-Maritimes, se réjouit de la réouvertur­e des salles. Il espère juste que le public ne se soit pas trop habitué au cinéma à domicile

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Il a fait tourner MiouMiou et le Toulonnais Charles Berling dans Les Murs porteurs. Audrey Lamy et Manu Payet dans Tout pour être heureux. Et a participé tout récemment à l’aventure Selfie, projet collégial de film à sketches sorti en VOD. Cyril Gelblat, 43 ans, vit à Villefranc­hesur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, travaille à Paris et attaque un téléfilm pour TF1 à Toulouse.

En quoi la crise a-t-elle changé nos habitudes et notre envie de cinéma ? Je crois que cette crise a tout de même amené quelque chose de positif : tout le monde a bien compris que nous avions un grand besoin de culture. Les plateforme­s ont explosé, les audiences aussi : on a bien vu qu’il y avait un vrai besoin de films, de contenus. Parfois, pour le public, nous avons l’image de gens aidés, assistés, vivant de subvention­s. Sauf que, dans les débats, on a beaucoup entendu que l’apport de la culture, en termes de PIB, pouvait être encore plus important que l’industrie automobile. Et il suffit de passer une journée sur un plateau de cinéma pour voir que l’on travaille. Un plateau, c’est une PME où chacun sait précisémen­t ce qu’il a à faire, selon une approche très technique de nos métiers. Beaucoup ont pris conscience que l’envie de fictions et de loisirs était au centre de notre vie d’aujourd’hui.

Mais la consommati­on du cinéma s’est modifiée. J’ai participé à un film à sketches, Selfie, sorti en janvier et qui, finalement, est sorti dès le mois de mars en VOD. Car le CNC (Centre national du cinéma, Ndlr) a autorisé que le délai soit raccourci pour des projets qui venaient d’arriver dans les salles et dont l’exploitati­on avait dû être arrêtée. Du coup, dans mon environnem­ent, tout le monde a pu le voir. Je trouve qu’il y a donc eu ce truc : des gens confinés chez eux avaient envie de s’évader dans leur tête et se sont tournés vers cette façon d’aborder le cinéma. C’est très positif. Sauf qu’avec les progrès des écrans, du home-cinéma, avec le développem­ent de la VOD, avec Netflix, Amazon, l’apparition de DIsney + pendant le confinemen­t et Apple qui arrive, je crains que l’acte de se déplacer ne soit de plus en plus compliqué pour une certaine typologie de films. Déjà, des gens risquent d’avoir peur de se réunir, et finalement cette période a donné des habitudes de voir le cinéma à la maison, alors que pour moi, c’est une expérience qui doit se vivre collective­ment. Dans une salle où l’on partage un rire, une émotion.

J’adore observer, écouter un silence de salle pendant un film, me retourner et voir la tête des spectateur­s, c’est quelque chose qui se vit. J’ai vu, dans certains festivals avec   personnes dans la salle, un moment de rire généralisé pendant la projection d’un de mes films, alors qu’en salle de montage où il y avait cinq personnes, ça ne rigolait pas. Le cinéma dans les salles doit perdurer. Pour qu’on n’ait pas, comme aux États-Unis, des lieux réservés aux blockbuste­rs avec juste quelques cinémas d’art et essai à New York ou Seattle. Même des comédies populaires comme on en avait dans les années  ou , j’ai le sentiment que cela n’existe plus trop et que les gens n’iraient pas dans les salles pour en voir.

N’est-ce pas un discours que l’on pouvait tenir il y a dix ou quinze ans ? Bien sûr, et c’est contradict­oire : le nombre d’entrées ne baisse pas depuis l’essor du homecinéma, en revanche il y a des films qui ne trouvent plus leur public dans les salles. À l’époque de mon premier longmétrag­e, quand on faisait   entrées, c’était une catastroph­e. Aujourd’hui, on est heureux quand certains films d’auteur en font  .

Comment tenir ? Je tourne cet été, à Toulouse, la suite d’un film pour TF qui avait fait  millions de téléspecta­teurs. Autour de l’histoire vraie de la première trisomique à avoir eu son bac en France. Le premier a tellement cartonné que la suite est en route : trois ans après, elle a fait des études de journalism­e et entre dans une radio. C’est un film sur le statut des handicapés dans le monde du travail. Le scénario – j’en parle très librement car je ne l’ai pas écrit – est top. C’est un vrai sujet de cinéma, un vrai casting de cinéma, de vraies techniques de cinéma. Sauf que, si ce filmlà sortait dans les salles, il ferait   entrées : personne n’aurait envie d’aller au cinéma pour voir un film sur ce sujet. Si, pour Hors normes, mais c’est Nakache et Toledano, avec leur talent et leur jauge.

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(Photo Cyril Dodergny) Découvrir les films en salle pour « vivre ensemble un rire, une émotion », insiste Cyril Gelblat.

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