Var-Matin (Grand Toulon)

Pôle Cosmétique, dix ans de formule gagnante L’essor

- AMBRE MINGAZ

Se démarquer, être agile, innover et rebondir en temps de crise. Pôle Cosmétique, la société fondée il y a tout juste dix ans à La Seyne-sur-Mer par Grégoire Tutenuit et Julien Gros, s’est appliquée à le faire. Une formule qui lui a réussi puisqu’aujourd’hui l’entreprise compte 21 salariés et réalise un chiffre d’affaires d’1,5 M€. Après le confinemen­t, trois personnes viennent même d’être recrutées. Une entreprise qui a pourtant failli fermer ses portes en 2014 à la suite d’un contrôle drastique de l’Agence nationale de sécurité et du médicament. Pourtant, malgré cela, la société a survécu, s’est déployée et s’est fait connaître jusqu’à devenir une incontourn­able pépite dans l’écosystème économique varois et régional. L’entreprise a même, en mai dernier, alors qu’elle soufflait ses dix bougies, contribué à l’élan solidaire national en produisant du gel hydroalcoo­lique livré dans toute la France. Aujourd’hui encore, elle est en capacité de produire 15 tonnes de gel par semaine. 100 tonnes ont déjà été commandées.

Des débuts à TVT dans un bureau de  m

Tout a commencé en 2010 lorsque Grégoire Tutenuit et Julien Gros décident de créer leur propre laboratoir­e de formulatio­n. Les deux ingénieurs chimistes se sont connus à l’école. Ils ont par la suite travaillé dans la même entreprise en Suisse. A l’époque, ils développai­ent des formulatio­ns cosmétique­s dédiées à la marque L’Oréal. Arrivés à Toulon en 2010 où Grégoire a de la famille, les deux hommes frappent à la porte de l’associatio­n TVT Innovation. « Nous avons commencé dans un petit bureau de 12 m2, se souvient Grégoire

Tutenuit. Nos clients venaient avec des idées, des projets, et nous leur faisions la formule du produit puis nous sous-traitions la fabricatio­n. » Pôle Cosmétique réalise à ses débuts des formules pour des produits capillaire­s, notamment pour le fameux lissage brésilien. « Nous étions les premiers en France à le faire. Notre objectif était de répondre à la demande des petits entreprene­urs qui voulaient lancer leur gamme pour créer de A à Z leurs produits cosmétique­s. A l’époque, très peu d’entreprise­s le faisaient. Ça a plutôt bien marché. » La filiale Cosméprod est créée en 2012, dédiée à la fabricatio­n, car les deux hommes ne sont pas satisfaits de la sous-traitance. « Nous avions des problèmes de qualité. C’était un frein à notre croissance. »

TVT et la Région, par des prêts à la création et au développem­ent d’un montant total de 120 000 leur permettent de réaliser euxmêmes la fabricatio­n des produits. Fin 2012, deux personnes sont embauchées pour rejoindre l’équipe. « On pataugeait dans les cuves de shampoing », se souvient Grégoire Tutenuit. 2013 est alors « une excellente année ». Les clients nationaux et internatio­naux se pressent. « Des entreprise­s de plus en plus grosses ont fait appel à nous. » Mais en 2014, l’Agence nationale de sécurité et du médicament (l’équivalent de la répression des fraudes) procède à un contrôle. Un mauvais souvenir. « Ça a été très difficile mais, en moins de six mois, nous avons réussi à répondre aux injonction­s de l’ANSEM et ça nous a permis d’atteindre un niveau de qualité parmi les plus hauts standards en France. »

Une filiale R&D avec BB Cosmetics

2015 marque alors un tournant. Pour résister au poids des grosses marques dans ce domaine et « sortir de l’activité traditionn­elle des laboratoir­es de cosmétique­s », les ingénieurs décident de créer une filiale R&D B2B Cosmetics qui leur permettra de mettre au monde leur produit Emuage, une machine qui permet, à l’image de la Nespresso, de confection­ner soimême, chez soi, ses propres produits cosmétique­s à l’aide de capsules. « Il nous fallait nous démarquer en proposant quelque chose d’innovant, qui sorte de l’ordinaire. Nous voulions mettre l’innovation au coeur de nos priorités. » Alors que les deux hommes avaient d’abord pensé créer un site internet pour permettre à leurs clients de choisir leurs produits et parfums pour confection­ner des shampoings personnali­sés, c’est en revenant d’un cours de cuisine qu’ils ont l’idée d’Emuage et de cette machine. « Le potentiel était beaucoup plus grand. » Fin 2015 commence la recherche. Et presque cinq ans de R & D plus tard, le prototype final de la machine est arrêté. « Nous avons encore quelques correction­s à faire mais nous devrions pouvoir lancer la production fin septembre. » Il aura fallu presque 1,5 M€ pour lancer l’outillage et produire en masse. « Cette semaine, nous envoyons les pièces pour leur fabricatio­n industriel­le. » Des pièces made in France qui seront assemblées à Toulon pour commencer car, la prochaine étape, en 2021, consistera à trouver un sous-traitant français pour l’assemblage de la machine. D’ici là, l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices. BSF, le numéro un mondial allemand de la

chimie a choisi d’investir dans ce projet dès 2018 à hauteur de plus d’un million d’euros. Ce que n’a pas osé faire L’Oréal, plus frileuse à l’idée de se lancer à l’époque. « En septembre dernier, lorsque nous les avons rencontrés, ils nous ont dit que c’était la meilleure plateforme pour faire ses cosmétique­s maisons qu’ils avaient vue jusqu’ici. Mais BSF nous a fait tout de suite confiance. Les perspectiv­es sont mondiales. Grâce à Emuage, nous avons augmenté notre expertise sur la personnali­sation du packaging et les injections en flacon. »

Aujourd’hui tournée vers la blue beauty

Aujourd’hui Pôle Cosmétique, forte de 300 clients, se lance ainsi dans une autre voie : la blue beauty. Pour limiter l’impact environnem­ental de nos déchets plastique rejetés dans les océans, la société varoise a décidé de les racheter à la tonne pour les recycler elle-même afin d’en faire de nouveaux flacons personnali­sables pour ses clients. « C’est tout nouveau. Nous souhaitons capitalise­r sur notre expérience avec Emuage pour proposer de nouveaux services et aussi parce que c’est l’avenir. L’industrie cosmétique est extrêmemen­t polluante. Nous sommes obligés de jeter des matières premières. L’idée est de limiter l’impact environnem­ental et de corriger les erreurs du passé. Or, l’une de nos priorités est le développem­ent durable. Et c’e st un service très rare en France. En internalis­ant la fabricatio­n et l’injection plastique, c’est un plus pour nos clients. »

 ?? (D.R.) ?? De l’élaboratio­n de la formulatio­n en labo jusqu’à la fabricatio­n et production, Pôle Cosmétique maîtrise toute la chaîne et bientôt jusqu’à l’injection et fabricatio­n de flacons en plastique recyclé.
(D.R.) De l’élaboratio­n de la formulatio­n en labo jusqu’à la fabricatio­n et production, Pôle Cosmétique maîtrise toute la chaîne et bientôt jusqu’à l’injection et fabricatio­n de flacons en plastique recyclé.
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