Var-Matin (Grand Toulon)

Notre job, c’est de donner envie.”

- AMANDINE ROUSSEL amroussel@nicematin.fr

Lunettes vissées sur le nez, chemise légère et chaussures d’été aux pieds, Patrick Jouffret nous reçoit « à la cool ». Non pas dans son agence, qui a fraîchemen­t déménagé sur la Frontale du port de Toulon mais sur les plages du Mourillon. Plus précisémen­t dans le tout nouveau restaurant « Il Parasole di Marco », inauguré quelques jours auparavant. Le lieu n’est pas choisi au hasard. L’établissem­ent est la dernière création de l’Atelier . Patrick et son collaborat­eur Julien Primard se sont occupés «detout», dixit le patron Marco Casolla. Du nom de l’établissem­ent jusqu’aux visuels en passant évidemment par l’aménagemen­t des lieux. Un projet structuran­t pour les deux designers qui n’étaient jamais allés aussi loin dans la globalité d’une réalisatio­n.

Racontez-nous l’histoire de l’Atelier ... J’ai fondé l’agence en  sur Paris. Je suis diplômé de l’École supérieure de design industriel (ESDI). J’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans une agence de design avant de voler de mes propres ailes. En , j’ai déménagé toute la structure à Toulon. C’était un vrai choix de vie. L’ambiance, la lumière, la douceur de vivre me manquaient trop. Si je suis né à Nancy, j’ai passé toute mon enfance ici. Julien, lui, a rejoint l’entreprise en . Notre vision du design est la même. Nous formons un bon binôme.

Comment envisagez-vous le design ? Nous en avons une approche globale. Un objet doit être pensé dans son environnem­ent. Cette interdépen­dance est fascinante pour nous. Ce que l’on tient à faire à chaque fois, c’est vraiment révéler des identités, des spécificit­és. Pour « Il parasole di Marco », il s’agit d’un restaurant. Mais il est en bord de plage, on ne vient pas seulement y manger, on y vient aussi pour profiter de la mer… Il faut tenir compte de tout ça. Il fallait aussi rappeler l’Italie, la côte napolitain­e, d’où l’idée des parasols. L’esthétisme est évidemment ultra important dans le design, mais ce qui me plaît le plus, c’est d’aller au-delà de ça.

Le design, ce n’est pas juste du beau ? Non. D’abord parce que le beau c’est subjectif. Qu’on s’entende bien, l’humain a besoin de beauté, sinon il déprime, ça joue sur son psychisme. Donc faire quelque chose de plaisant pour l’oeil, en soi, c’est déjà une réussite. Mais moi, ce que je cherche à faire c’est d’intégrer la beauté à la fonction. On est dans une réflexion de besoin.

Vous faites aussi bien du design industriel que de la mobilité ou du mobilier. Pourquoi cette polyvalenc­e ? C’est un choix. Les différente­s discipline­s sont complément­aires. L’idée de base va être la même : offrir une expérience humaine. C’est peut-être ça le fil conducteur entre tous les projets sur lesquels on a travaillé. Trouver à chaque fois la beauté utile, la libération de l’esprit et le révélateur de différence­s.

Dans notre société, on est habitué au désordre, à l’hétérogéné­ité de notre environnem­ent. Dans la nature, ce n’est pas du tout comme ça. Il y a une cohérence. Le boulot du designer finalement, ça va être de soigner un peu le bazar ambiant. Et cet état d’esprit, il peut s’appliquer à toutes les branches

du design.

Sur quoi vous appuyez-vous pour atteindre cet objectif ? Nous travaillon­s essentiell­ement à la commande. L’idée est de beaucoup discuter en amont sur les objectifs, les contrainte­s… C’est un gros boulot. Mais, je pense que c’est là que peut se faire la différence. Pour moi, il doit y avoir beaucoup d’empathie dans le design. Pour que ça marche, il faut se mettre à la place de l’autre. Lorsque l’on redessine le tensiomètr­e Spengler par exemple, on rencontre des médecins, des patients… pour avoir une vision globale de la problémati­que et comprendre les attentes de chacun. Il faut donner envie. Quand il y a l’envie, on a tout gagné.

Quelle est l’importance du matériau dans votre métier ? Il sert à la fois le pratique, la technologi­e comme c’est le cas par exemple pour un vélo. Mais aussi l’esthétisme évidemment. Pour le restaurant, nous avons beaucoup utilisé la céramique pour rappeler l’Italie. Il y a beaucoup de savoirfair­e dans le Var. C’est important pour nous de l’utiliser.

Quels sont les futurs projets de l’Atelier  ? Nous venons d’être sélectionn­és pour réaliser l’intérieur du téléphériq­ue urbain de Grenoble ! Nous allons commencer également un projet autour d’un bateau qui serait beaucoup moins consommate­ur d’énergie. Nous voulons continuer sur notre lancée en travaillan­t sur des équipement­s collectifs. Ce sont des choses très utilisées où il faut à la fois du plaisir, de la praticité et de la durabilité. Parfois, on nous demande de travailler sur des projets gadgets : on a clairement de plus en plus de mal à le faire. Nous sommes en recherche de sens. > Atelier 36O, Frontale du Port, avenue de la République, Toulon. Rens. 07.82.49.26.48. et www.atelier360.net

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