Cet été, Carmignac invite le photojournalisme
Charles Carmignac dévoile l’exposition alternative présentée cet été à Porquerolles. Elle est consacrée aux dix ans de reportages réalisés dans le cadre du Prix Carmignac du photojournalisme
Le Coronavirus a eu raison de la très internationale exposition La mer imaginaire initialement programmée pour la troisième saison de la Fondation Carmignac à Porquerolles (annoncée pour l’an prochain). Une exposition « alternative » consacrée aux reportages réalisés par les lauréats du Prix Carmignac pour le photojournalisme y sera présentée dès le 4 juillet. Un rendez-vous présenté par Charles Carmignac, qui évoque également le contexte sanitaire et ses conséquences sur la fondation qu’il dirige.
Était-il important d’ouvrir cet été, après cette période de confinement ? Charles Carmignac : C’est la vocation des lieux culturels d’ouvrir, mais chacun selon ses capacités. Les conditions de la visite à la Fondation sont en fait assez adaptées au contexte. Il faut réserver, la fréquentation est limitée à personnes par demiheure, et par ailleurs la moitié du parcours est en extérieur… Cela nous a permis de nous adapter plus facilement et d’avoir de bonnes conditions de sécurité. Mais cet été, les visites de l’exposition ne se feront pas pieds nus.
Qu’est-ce que le Prix Carmignac du photojournalisme dont les lauréats seront exposés cet été ? C’est un prix créé par mon père (Édouard) il y a ans dans un contexte de crise sans précédent des médias. Il permet de financer des reportages d’investigation au long cours, sur plusieurs mois, pour creuser vraiment un sujet, avec une dotation de €. La Fondation se positionne en soutien financier mais aussi en accompagnateur sur place du lauréat qui a été préalablement sélectionné par un jury sur un sujet ou une zone géographique donné. C’est avant tout un prix qui offre du temps aux photographes ( ou mois) pour réaliser les reportages.
C’est important ? Par exemple, pour la Libye avec Narciso Contreras, il y a ans, c’est le fait d’avoir le temps qui a permis au reporter de changer de sujet en cours de route. Il a découvert d’autres choses et a ajusté son angle. C’est grâce à son travail qu’on a découvert qu’en Libye, les migrants étaient soumis à des pratiques d’esclavage. Il nous l’a révélé en premier avant même les médias français.
Et ensuite ? Ensuite, le reportage est montré lors d’expositions à Paris ou à la Galerie Saatchy à Londres ce qui permet de rencontrer un public important. A la Saatchy, celui sur la Libye a été vu par plus d’un demi-million de visiteurs. L’exposition sur l’Amazonie (Amazônia, de Tommaso Protti, prix Carmignac ) a été montrée cette année sur les grilles de l’hôtel de ville à Paris et à la Maison européenne de la photographie.
L’exposition s’intitule « Prix Carmignac du photojournalisme, ans de reportages »… Nous étions frustrés de ne pas savoir comment célébrer les ans du Prix et rendre hommage au travail des photojournalistes. C’était une occasion parfaite pour rendre visible cet anniversaire et rendre visible cet engagement important pour la Fondation. C’est une exposition très forte et engagée sur le fond. Sur la forme, elle répond aussi à des conditions pratiques par rapport au contexte. Elle est locale dans sa conception car nous pouvons tirer toutes les photos en France, le scénographe, conseillé par Jean-Pierre Blanc et qui a déjà travaillé pour la Villa Noailles, est un Hyérois d’origine. Nous travaillons en grande majorité avec des équipes locales (...). Nous sommes également ravis d’avoir participé avec l’équipe de la Villa Noailles à la création d’un réseau d’une quarantaine d’acteurs culturels des arts visuels, de Monaco à Sète en passant par Marseille, Nice, Arles ou Digne que nous avons appelé « Plein Sud ». Il est né de ce confinement où, à la faveur de ce contexte particulier, tous ces lieux se sont rassemblés pour faire converger des bonnes pratiques, des calendriers, des contenus, notamment un document qui sera diffusé dans tous les lieux cet été…
Ce sont des zones ou des conflits peu connus, peu médiatisés dont témoignent ces travaux journalistiques… Oui, ce sont des zones géographiques qui sont passées un peu sous le radar. L’exposition sera présentée comme un voyage thématique, autour d’une carte du monde créée au centre des espaces, à partir de laquelle nous découvrirons les problématiques sociales ou politiques des dix pays explorés, comme par exemple le peuple des Lashkars au Patchounistan ou les exclus de la Guyane…
Au-delà des sujets, c’est aussi l’occasion d’un focus sur le travail des journalistes… Les photojournalistes participent à une sorte de mythologie de reporters aventuriers (…) avec laquelle il faut prendre un peu de distance aussi. Il y a toujours des pays où le droit d’expression n’est pas respecté, où les journalistes sont emprisonnés, mis en danger… C’est aussi une manière de saluer leur courage comme celui de Robin Hammond (un des lauréats, ndlr) au Zimbabwe. C’est pour cette raison que nous avons pris l’habitude de ne révéler le nom du lauréat, à « Visa pour l’image » à Perpignan, qu’une fois le reportage réalisé.
L’environnement est au coeur des derniers reportages… Ces deux dernières années, nous avons élargi le choix des sujets à l’environnement, au thème des nouveaux Far West, ces territoires conquis au détriment des peuples autochtones, comme l’Amazonie et l’Arctique. C’est une dimension et un questionnement importants pour nous, surtout à Porquerolles dans un cadre qui est celui d’un parc national.
En dehors de l’exposition, d’autres animations sont prévues, dans les jardins notamment… Les jardins ont atteint une belle maturité, le projet paysager de Louis Benech prend forme. Son projet consistait à se perdre progressivement dans la nature. Petit à petit, la main de l’homme disparaît. Nous avons aussi aménagé des espaces afin de procurer ombre et fraîcheur aux visiteurs, et d’autres plus ludiques et aventureux pour les enfants. La canneraie a en effet bien poussé et les gens vont pouvoir s’abriter sous les cannes de Provence tandis qu’une tonnelle a aussi été aménagée avec des plantes très surprenantes. La butte exotique de Louis Benech, avec des plantes tropicales, a, elle aussi, pris une ampleur magnifique.
Quelles sont les conséquences du confinement sur le modèle économique de la Fondation ? Le confinement a eu peu d’impact sur le modèle économique de la Villa car nous sommes peu dépendants de la billetterie (les jauges étant limitées). Nous avons seulement
choisi d’élargir la période en ouvrant plus tard, début juillet au lieu de fin avril, et en décalant la fermeture à la Toussaint au lieu d’octobre. Nous ouvrirons jours sur toute la saison, au lieu de jours sur sur les ailes de saison. Nous maintenons aussi les Nuits de pleine lune qui ont beaucoup plu l’an dernier et, en guise de nouveauté, la Villa Carmignac propose des visites en soirée les jeudis en juillet et août. Les Nuits de pleine lune sont des balades nocturnes dans les paysages de la villa mais aussi au-delà dans les vignes ou la forêt, une découverte de l’île la nuit avec une histoire racontée par Patti Smith et Charlotte Gainsbourg. Ce parcours est conforme aussi aux recommandations sanitaires car c’est une promenade solitaire, une expérience individuelle… Vous explorez l’île en vous laissant guider par votre imaginaire.
Prix Carmignac du photojournalisme, 10 ans de reportages. Villa Carmignac, Porquerolles. Ouvert du 4 juillet au 1er novembre, du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturnes les mardis de juillet et août jusqu’à 21h. Nuits de pleine lune de Soundwalk Collective du 1er au 5 août et du 31 août au 4 sept. 21h-Minuit. Tél : 04.65.65.25.50. www.fondationcarmignac.com