La maladie, pas seulement physique ou psychique Soins
Le stress qui provoque des brûlures d’estomac, le dos qui se bloque quand c’est la tête qui est à la peine... les maladies psychosomatiques sont nombreuses et leur réponse complexe
Vous avez mal au ventre ? Vous vous êtes bloqué le dos ? Vous avez des démangeaisons sur les bras ? Et si c’était davantage votre tête que votre corps qui souffrait ? Les maladies psychosomatiques sont légion. D’ailleurs, estil sérieux de penser que l’on peut dissocier la psyché du soma ? Pour nombre de médecins, la solution à des problèmes physiques ne peut se cantonner à une réponse médicamenteuse symptomatique. Un peu comme sur la thématique du placebo, force est de constater que l’impact du mental est, aujourd’hui, une évidence pour la plupart des praticiens. Le Pr Thierry Piche, chef du service de gastro-entérologie du CHU de Nice, connaît bien ces mécanismes. « La colopathie fonctionnelle, qui concerne tout de même 12 % de la population, se caractérise par des maux de ventre, des troubles intestinaux : constipation, diarrhée, etc., pourtant, à l’examen on ne trouve rien, illustret-il. Cela ne signifie pas qu’il faille renvoyer les patients chez eux en leur disant que c’est dans leur tête. Il y a des mécanismes physiopathologiques bien connus. L’axe cerveau - intestin est clairement identifié : il implique des neuromédiateurs qui communiquent avec le système nerveux central. Le stress influence considérablement le fonctionnement organique. Il a par exemple été mis en évidence qu’un événement stressant pouvait engendrer une rechute chez des patients souffrant de MICI [maladie inflammatoire chronique de l’intestin : Crohn ou rectocolite hémorragique, ndlr]. Et à l’inverse, des douleurs digestives chroniques peuvent avoir des retentissements psychiques. Cet axe est donc opérant dans les deux sens. Les connaissances dans ce domaine sont récentes et des études se poursuivent. » Une opinion que partage le psychiatre et addictologue Faredj Cherikh : « On parle beaucoup du microbiote intestinal en psychiatrie. C’est une voie de recherche : on a ainsi identifié des liens avec des pathologies neurodéveloppementales. »
Réactions en chaîne
En somme, un stress qui n’est autre qu’une réaction physiologique ou psychologique de l’organisme va engendrer des réactions en chaîne. Qu’il soit de nature physique (par exemple lié à l’exposition à une substance) ou psychique (choc émotionnel), il va provoquer une réaction inflammatoire. La complexité réside dans le fait que les symptômes sont de nature très variée. Ils peuvent aussi bien siéger dans le tube digestif... qu’au niveau de la peau, comme le constate régulièrement le Dr Laurent Misery, chef du service de dermatologie du CHU de Brest : « Il est courant d’exprimer ses émotions par la peau. Sous l’effet d’un stress aigu, le cerveau sécrète des neuromédiateurs (l’adrénaline notamment) qui peuvent conduire à un déficit ou une dysrégulation immunitaire, en cause dans des pathologies cutanées. Il en va de même pour un stress chronique, qui peut majorer une pathologie préexistante. C’est le cas, par exemple, du psoriasis dont les poussées peuvent être plus fréquentes. » Nombre d’étudiants découvriraient ainsi une sensibilité à l’eczéma à l’occasion de leurs examens ! Le stress chronique peut ainsi avoir un impact sur des maladies cutanées ou digestives qui s’installent alors dans la durée. La réponse à apporter au malade doit donc être globale. « Il est important d’associer les immunosupresseurs à une prise en charge psychologique (que ce soit par des thérapies comportementales, des médicaments, etc.) pour optimiser le traitement de la maladie inflammatoire, note le Pr Piche. L’approche holistique est fondamentale. » Le
Ne pas tout psychiatriser Dans les discussions de comptoir, il n’est pas rare d’entendre qu’un tel « s’est fait son cancer à force de mener une vie trop stressante ». Le raccourci est péremptoire et surtout dangereux. Le Dr Cherikh explique : « il est difficile d’établir une relation de cause à effet entre le cancer et le psychisme. Il y a des facteurs de risques bien connus à l’instar du tabac ou de l’alcool. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’un patient qui souffre, par exemple de dépression, va moins lutter. Sans psychiatriser automatiquement, il est important de dépister le terrain anxieux pour mieux accompagner le malade. » Donc, non, on ne « se fait » pas un cancer. En revanche, le moral est fondamental. Un patient souffrant de cette pathologie ne doit pas hésiter à parler de son ressenti, des psychologues sont d’ailleurs présents dans les services d’oncologie.
Niçois a d’ailleurs fait entrer des disciplines telles que l’ostéopathie ou l’hypnose dans le service de gastroentérologie du CHU avec des résultats probants. Le dermatologue confirme : « Il faut éviter de tomber dans un cercle vicieux où le retentissement psychique de la maladie va aggraver l’inflammation. » De nombreuses zones mystérieuses subsistent quant au fonctionnement du corps humain. Décidément, aucune piste ne doit jamais être écartée à la légère tant son fonctionnement s’avère parfois déroutant.