Var-Matin (Grand Toulon)

« On a hâte de revenir »

Il est talentueux, mais il est surtout Français et il pilote une Renault. Alors forcément, Esteban Ocon attendait particuliè­rement le GP de France. Une course sur laquelle il aurait dû s’aligner aujourd’hui

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C’est l’histoire d’un amour sans arrêt contrarié. Le récit d’une succession de rendez-vous manqués entre un pilote français et son Grand Prix national. La saga, en trois épisodes, d’un éternel lapin entre Esteban Ocon et le GP de France. Premier rencard, premier loupé, le 24 juin 2018, quand, quelques secondes seulement après le départ du tant attendu GP de France, Ocon abandonne celui qu’il convoite avec sans doute un peu trop d’empresseme­nt dès le troisième virage du Paul-Ricard. Erreur fatale ? Non, puisque ce n’est pas son audace qui prive le Normand d’un second rendez-vous avec le Ricard, mais plutôt les millions d’un richissime homme d’affaires canadien qui, après avoir mis la main sur Force India, éjecte le Français de l’écurie qu’il vient de racheter pour y installer son fiston. Faute de volant, Ocon assiste donc le 23 juin 2019 à la seconde victoire varoise de Lewis Hamilton depuis... les paddocks. Qu’à cela ne tienne, salué par Lewis en personne, le talent d’Ocon lui permet de retrouver un baquet pour ce qu’il imagine être son troisième rendez-vous avec son Grand Prix national. Et pas n’importe quel baquet, puisque le Français devait prendre ce dimanche le départ du Grand Prix de France à bord d’une Renault. Tout semblait donc enfin réuni pour un mariage parfait ce dimanche 28 juin 2020. Mais la noce a tourné court. Encore une fois... Alors, qu’est-ce qu’il faut pour sauver l’amour, chantait Balavoine ? Peut-être juste un quatrième rendez-vous. L’année prochaine...

Esteban, vous avez pris votre dernier départ en F le  novembre , ça doit vous sembler bien loin... Ça fait une éternité et j’ai parfois l’impression que tous les éléments se déchaînent pour que je ne puisse pas retourner à la course. Oui, ça commence à faire très très long...

Vous auriez pu prendre ce e départ en F au Paul-Ricard. Mais le  avril dernier, le Grand

Prix de France est finalement venu compléter la longue liste des courses annulées en raison du Covid. On imagine la déception pour un pilote français, engagé au volant d’une monoplace française... Ça aurait été le plus grand événement de l’année pour nous. Rouler en France avec des couleurs françaises, vous imaginez… Ce Grand Prix va nous manquer et on est donc déçu. Mais on a déjà hâte d’y revenir l’an prochain. Et puis, on va aussi reprendre la course (le  juillet en Autriche )et c’est déjà une très bonne nouvelle.

Vous allez reprendre avec un rythme soutenu, puisque le calendrier impose huit courses en seulement deux mois. Ne craignez-vous pas d’être à court de forme ? Non, ça va aller, on a eu beaucoup de temps pour travailler notre préparatio­n physique.

La F, c’est donc comme le vélo, ça ne se perd pas ? (Rires) S’arrêter un long moment comme ça n’est pas l’idéal et il n’y a pas meilleur entraîneme­nt que le pilotage (en comparaiso­n avec le simulateur), mais ça va revenir vite. Même si au début, ça va piquer un peu…

Ressentire­z-vous une pression supplément­aire par rapport à la situation du groupe Renault qui traverse une période compliquée ? Toutes les entreprise­s sont en difficulté. Quand tout s’arrête comme ça, c’est dur, et c’est dur pour le groupe Renault aussi. Alors on veut faire briller notre marque. On veut faire bien. Même si j’essaie de ne pas trop penser à tout ça.

D’autant que l’écurie est déjà bien assez perturbée comme ça avec l’annonce du départ de votre équipier, Daniel Ricciardo qui pilotera une McLaren la saison prochaine. Son choix vous a surpris ? C’est une nouvelle qui m’a surpris, mais c’est son choix et Daniel est quelqu’un de très cool, il a une très bonne mentalité. Je suis sûr que l’on va très bien travailler ensemble.

Ça sera sans doute plus facile qu’avec votre ancien équipier chez Force India. Ce n’était pas simple avec Sergio Pérez… Disons qu’il y a des gens avec lesquels on s’entend et d’autres pas. Mais c’est une page qui est tournée et ça ne nous a pas empêché à l’époque de faire de bons résultats (avec  points pour Pérez et  points pour Ocon en , après une saison  à l’issue de laquelle les deux pilotes avaient permis à la modeste écurie Force India de finir à la quatrième place du championna­t du monde des constructe­urs, devant Williams, Renault, Toro Rosso, Haas, McLaren et Sauber).

Des résultats d’ailleurs salués par Lewis Hamilton qui avait fait tout l’éloge de votre talent et qui s’était indigné de votre absence du plateau des pilotes la saison dernière... Vous repensez souvent à cet éloge ? Non, c’était très cool de recevoir les compliment­s de Seb (Sebastian Vettel) et de Lewis, à un moment crucial pour moi (à l’annonce de son éviction de l’écurie Force India). C’était top. Mais je n’en rêve pas la nuit. Je rêve des résultats de Lewis, mais pas de ses compliment­s.

Comme beaucoup d’acteurs et d’observateu­rs de la F, Lewis Hamilton ne comprenait pas comment vous pouviez vous retrouver sans volant pour la saison suivante. Vous-même l’avez-vous compris ? Je ne vais pas commenter ce choix (suite au rachat de l’équipe Force India en août , Ocon a laissé sa place à Lance Stroll, le fils du nouveau propriétai­re). Tout le monde était content de moi, sur le coup je ne comprenais pas, c’était injuste, mais j’ai la chance d’avoir eu des gens de paroles autour de moi.

C’était un choix guidé par l’aspect financier. La F privilégie de plus en plus la dimension financière au talent. Jean Alesi s’en inquiétait récemment dans nos colonnes. Vous partagez son inquiétude ? La FOM (Liberty Media, propriétai­re des droits de la F ) et la FIA ont décidé de réduire les budgets et c’est mieux. Un budget limité pour chaque écurie

‘‘ J’ai parfois l’impression que tous les éléments se déchaînent pour que je ne puisse pas retourner à la course... ”

‘‘ J’ai toujours été fan d’Esteban. Malheureus­ement, nous vivons une période étrange où les écuries préfèrent miser sur l’argent plutôt que sur le talent.”

Lewis Hamilton, le 25/08/2018 après la troisième place du Français obtenue sur la grille de départ du GP de Silverston­e.

peut faire que ce soit plus égal. C’est ce que l’on veut tous. Que le meilleur gagne !

Gagner justement, c’est une perspectiv­e à laquelle vous songez avec Renault ? Quelles sont vos ambitions pour cette saison qui démarre le  juillet prochain en Autriche ? Toujours les mêmes, se battre pour la quatrième place derrière les trois écuries de pointe (Mercedes, Ferrari et Red Bull). L’Autriche ne réussit généraleme­nt pas à Renault, mais il faut que l’on soit tout de suite dans le coup. On va mettre les bouchées doubles. Il ne faut pas

que l’on se rate.

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