Var-Matin (Grand Toulon)

Ma vraie richesse, c’est de toucher les gens”

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Au bout d’une trentaine de minutes, il finit par nous lâcher sa « synthèse ». « Ce qui est important, c’est que je me suis jamais senti aussi libre et en pleine forme qu’en ce moment. La télé, c’est derrière moi. Mais il y a plein de trucs devant. » Patrick Sébastien ne veut pas passer pour l’aigri de service, le mec de soixante-six balais noyé dans la nostalgie et le « c’était mieux avant ». Dans son dernier livre, J’ai déplacé l’éléphant (XO éditions), l’ancien animateur télé se lance dans un numéro d’équilibris­te. En se raccrochan­t aux phrases d’anonymes, de grandes stars ou de présidents de la République qu’il a entendues un jour, il se replonge dans une existence marquée par le bonheur, la célébrité et la fête, mais aussi une série de drames intimes et de petites mesquineri­es du quotidien. De son pote Carlos à Gainsbourg en passant par Frédéric Dard, François Hollande ou encore des chanteurs dont il a voulu préserver l’anonymat, il se souvient de tout. « J’ai deux choses de l’éléphant : les oreilles et la mémoire » ,se gondole-t-il au bout du fil.

Quel est cet éléphant auquel vous faites référence ? C’est une image, elle est arrivée à point, après mon éviction de la télé. Elle vient d’un proverbe indien que m’a cité une jeune fille : ‘‘Si tu vois tout en gris, déplace l’éléphant.’’ C’est génial. Quels que soient tes emmerdemen­ts, tu peux dégager le gris. La seule manière de le faire, ce n’est pas d’être dans la rancoeur, c’est de rester debout. Et d’essayer de faire quelque chose de joyeux.

Cela passait par se replonger dans toutes ces petites phrases ? Oui. Je ne voulais pas les enquiller les unes derrière les autres, sans expliquer d’où elles venaient. J’en ai de nouvelles tous les jours. Dans la vie, les gens ont des réparties formidable­s. Il y a de l’humour noir, de la légèreté, du désespoir, de la grossièret­é. Ma vraie richesse, c’est de toucher les gens d’en bas et, de temps en temps, les gens d’en haut.

Certaines semblent avoir été écrites pour un scénario de film... Il y en a qui te marquent très fort. Quand Gainsbourg te dit : ‘‘Au moins, si je suis incinéré, j’aurai fait la moitié du boulot’’ ,tunepeux pas l’oublier.

Quelle phrase vous a le plus marqué ? Celles des présidents, peut-être, Hollande ou Chirac. Mais je ne te cache pas que celle qui m’a marqué le plus est dramatique. Je ne souhaitera­is même pas à mon pire ennemi de l’entendre : ‘‘Venez reconnaîtr­e le corps de votre fils à la morgue.’’ [Son fils, Sébastien, est mort dans un accident de moto le  juillet , ndlr]. Il y a aussi l’histoire de ce petit cancéreux que j’avais rencontré à Villejuif. Il sautait partout sur son lit, plein d’énergie. Il m’a pris à part pour me dire : ‘‘J’ai la trouille, je sais que je vais mourir. Mais si je fais ça, c’est parce que mes parents sont faibles et ils ne vont pas tenir le coup.’’ Quand tu prends ça dans la gueule, tu ne peux pas l’oublier non plus.

Plus heureux, ce moment avec Lino Ventura... Ventura m’a invité chez lui, il m’a fait des pâtes, on était trois autour de la table. C’est un tel cadeau de toucher ces légendes... À part Gabin et Bourvil, je les ai toutes connues. C’est le plus beau cadeau que la vie m’a fait. Le jour où de Funès est venu me voir à l’Olympia et qu’on a passé une heure ensemble après, c’était un bonheur indescript­ible.

D’autres ‘‘plaisirs de la vie’’ ont donné lieu à des échanges cocasses... Il y a ce mec dans une voiture, un soir. Le mec, c’est moi. Et une fille est en train de me faire une gâterie. À ce moment-là, ma femme ouvre la portière. La première phrase qu’elle prononce : ‘‘C’est qui ?’’ La fille lèvelatête­etdit:‘ ‘Je crois que c’est ton mari...’’ J’en ai une autre dans le même registre. Quand j’étais ado, j’étais très très romantique. J’avais écrit un magnifique poème pour une Jeanine. Ça se terminait par une promesse de voyage céleste. Elle m’a répondu : ‘‘Ok, on embarque. Mais tu préfères pas que je te suce avant ?’’

Des histoires comme celles-ci entretienn­ent votre ‘‘légende’’. Mais ne camouflent-elles pas le ‘‘vrai’’ Sébastien ? Tu ne peux pas juger quelqu’un sur ce qu’il fait ou dit. Paul Préboist par exemple, c’était un mec magnifique, intelligen­t. Alors qu’il jouait toujours les abrutis. Ceux qui sont assez crétins pour

Vous deviez être la star de La Tournée Nice-Matin/VarMatin cet été. Comme elle est annulée, vous allez prendre des vacances ? Non, je me fais chier en vacances. J’en prends presque jamais. Mon loisir, c’est mon boulot. J’ai attaqué un album où il n’y aura que des conneries. On a sorti le single On dégoupille. Mais c’est le moins trash. J’en ai une qui s’appelle Mozart dans ton cul ! Pendant le confinemen­t, j’ai écrit une pièce de théâtre, un scénario, une série et un concept de jeu télé. Peut-être que ça n’aboutira pas, mais c’est prêt. J’ai aussi une pièce qui démarrera en octobre, LouisXVI. fr. C’est très très drôle, on mélange le  juillet  avec les Gilets jaunes. Et surtout, le plus important, c’est la reprise de la tournée du Plus grand cabaret du monde dans les Zénith, à partir de fin novembre. Quatre-vingts personnes sur la route, cinquante artistes sur scène, deux heures de spectacle. On ne se fout pas de la gueule du monde, ce sera magnifique. On passera par Nice le  décembre.

Mon loisir, c’est mon boulot”

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