Jean Castex, élu de territoire plutôt que « techno »
Le Gersois de 55 ans, jusqu’ici maire de Prades, incarne la synthèse entre haute administration et élus locaux. Ce « M. Déconfinement » devenu Premier ministre connaît les coulisses du pouvoir
Soyez bon ! » En théorie, Jean Castex a deux ans devant lui pour exaucer le voeu d’Édouard Philippe sur le perron de Matignon. Bon ? Jusqu’ici, le nouveau Premier ministre aurait tout bon, à en croire le concert de louanges qui a accompagné sa nomination surprise. Ce portrait flatteur sera fatalement nuancé par l’exercice du pouvoir, au fil de frictions inhérentes à la fonction. Voilà trois mois, Jean Castex, haut fonctionnaire inconnu du grand public, était propulsé « Monsieur Déconfinement » du gouvernement. Sa mission : coordonner la stratégie de sortie de crise du coronavirus. Aujourd’hui, les Français saluent la gestion du déconfinement, autant qu’ils dézinguent la gestion de la crise sanitaire. Un bon point pour le nouveau patron de Matignon. Mais pour retracer le parcours de Jean Castex, il faut remonter 55 ans en arrière. Direction le Sud-Ouest et son Gers natal, à Vic-Fezensac. Il en a gardé l’accent gascon. Sans doute, aussi, le goût de la politique et du rugby (lire ci-dessous). Marc Castex, son père, fut le maire de Vic-Fezensac, sénateur du Gers et président du club de rugby local.
Maire et énarque
En 2008, Castex fils devient à son tour maire d’une commune rurale : Prades, 6 000 habitants, dans les PyrénéesOrientales. Il sera aussi conseiller départemental et régional. Mais cet énarque a atteint les plus hautes sphères de l’État sans passer par le fauteuil de ministre, ni les bancs parlementaires. Deux cases qu’il ne coche pas.
Pour le reste, son CV réussit l’équilibre permanent cher au « en même temps » macronien Jean Castex reste ancré dans les territoires, lui qui a été réélu maire haut la main (75 %) en mars. C’est un homme de droite assumé (même s’il a dû rendre sa carte des Républicains hier), mais un « gaulliste social » susceptible de tendre sa main gauche.
L’accent mis sur les dossiers chauds
« Mes valeurs : responsabilité, laïcité, autorité. Les valeurs de la République », a résumé Jean Castex, hier soir, sur TF1. Ce père de quatre filles se présente comme un serviteur zélé de son pays, venu « chercher des résultats et non la lumière » .LeGersois l’a prouvé aux côtés de Xavier Bertrand, dont il fut directeur de cabinet aux ministères de la Santé, puis du Travail (2006-2008). De Nicolas Sarkozy, ensuite, en tant que conseiller aux affaires sociales (2010-2011), puis secrétaire général adjoint de l’Élysée (2011-2012). Bref, Jean Castex est rompu aux coulisses tumultueuses du pouvoir. Il a aussi été délégué interministériel aux Jeux olympiques de Paris 2024, a présidé l’Agence nationale du sport, avant de conseiller le gouvernement Philippe sur le déconfinement. Une mission délicate, apéritif de « l’immensité de la tâche » qui l’attend. À gauche comme à droite, chacun louait hier ses qualités humaines, son écoute, son affabilité. D’autres, à commencer par ses ex-alliés LR, voient en lui « un techno » à la botte du Président. Ce fils d’une institutrice du Gers se dit, lui, «fier» d’avoir été « un homme politique de la vie quotidienne des gens », avant de connaître un destin national. Il « croit aux territoires ». Les territoires espèrent pouvoir croire en lui.