Var-Matin (Grand Toulon)

« Réinventer l’équilibre du maraîchage »

Développer des potagers bio destinés à des communauté­s salariant des agriculteu­rs : le concept de « Potagers & compagnie » répond à des problémati­ques actuelles, et prend racine au Val

- PHILIPPE ZAMARI pzamari@varmatin.com

Tandis que tomates, choux, pâtissons et haricots – et tant d’autres – croissent paisibleme­nt, une foule inhabituel­le se presse, curieuse et attentive, autour des belles rangées de légumes. En quelques mois, un travail colossal a été accompli sur cette terre de la ferme Saint-George, et celui-ci commence à porter ses fruits. « Enfin ses légumes pour l’instant, pour être précis », s’amuse Loric Ferreri, l’un des deux ingénieurs agronomes, avec Merlin Leppens, à avoir oeuvré à l’accompliss­ement du projet nourricier de « Potagers et Compagnie ». S’improvisan­t guide, passionné et passionnan­t, il ajoute à ce propos que « nous allons bientôt planter une forêt fruitière d’une centaine d’arbres : pommiers, pruniers, abricotier­s, figuiers, pêchers... » Jeudi soir, le projet novateur et prometteur porté par le cabinet d’agronomie provençale cher à Laurence Berlemont, a été inauguré, et pas seulement par de grosses légumes.

« Mon budget “saut à l’élastique” »

« Nous nous interrogio­ns depuis un moment sur la bonne utilisatio­n de ces quatre hectares de terres agricoles », se souvient la maîtresse des lieux. « L’idée d’y installer un maraîcher était séduisante. Mais aujourd’hui, la vie d’un maraîcher, c’est 50 à 60 heures de travail par semaine, 50 semaines par an, pour se dégager 800 euros par mois... Et quand des aléas surviennen­t – sécheresse, gel, grêle, etc. – sa seule variable d’ajustement, c’est son salaire ! Voilà la réalité du maraîchage aujourd’hui... Intuitivem­ent, socialemen­t, humainemen­t, nous ne pouvions l’accepter, et nous avons donc inversé l’idée : c’est à une communauté de supporter ce risque, avec un agriculteu­r salarié : avec un revenu fixe, des congés, etc. » L’idée a ainsi germé d’embaucher un travailleu­r de plus au cabinet d’agronomie provençale, dans lequel une trentaine de salariés exercent déjà. « Entre son salaire et les revenus de la vente de légumes, on a estimé le risque potentiel de pertes à 10 à 15000 euros par an pour ce poste. Pour une entreprise de notre taille, ce n’est pas si important. Mais c’est en discutant avec un chef d’entreprise que j’ai vraiment eu le déclic. Je lui faisais part de mes craintes, que les entreprise­s ne seraient pas prêtes à risquer cette somme pour se doter d’un nourricier... Et il m’a répondu : “Tu connais mon budget saut à l’élastique ?”. Et en effet, pour de nombreuses entreprise­s, ce risque financier apparaît très maîtrisé, d’autant qu’il s’agit d’un engagement concret autour de valeurs fortes. » Julien Vert, cofondateu­r et cogérant, relève ainsi les engagement­s « dans la transition écologique »,« dans

Dans la lignée de l’entreprise « Soleil du Sud » (lire ci-dessous), l’entreprise va donc essaimer des potagers bio çà et là. « Il ne s’agit pas de se précipiter, observe Julien Vert. On envisage de créer deux ou trois potagers par an, pas davantage, pour privilégie­r la qualité. » Parmi les élus prenant la parole, le maire du Val Jérémy Giuliano disait toute son émotion et sa fierté qu’un tel projet, « qui reconnecte le monde économique au monde agricole » trouve sa source sur sa commune. « Les entreprise­s peuvent remplacer leurs séances de karaoké en guise de teambuildi­ng, par une action concrète de maraîchage local, en impliquant ses salariés ». Philippe Brel, député suppléant, louait un projet « qui coche toutes les cases du développem­ent durable et de la transition écologique

l’économie sociale et solidaire, avec l’obtention du label ASUS », ou encore « un engagement social : on croit fermement au développem­ent de potagers comme vecteur d’emplois ». ». Il confiait aussi sa volonté d’inscrire l’entreprise Estandon Vignerons, qu’il dirige, dans cette voie. « Il va falloir que l’on se voie rapidement », lançait pour sa part Didier Brémond, président de l’agglo Provence verte, à Laurence Berlemont. « On peut en effet réfléchir à des maraîchage­s de ce type à proximité immédiate des zones d’entreprise­s, comme à Nicopolis ou au parc du chemin d’Aix, à Brignoles... On voit que la pression de la population est forte, et légitime, pour aller dans cette voie. Il ne s’agit pas seulement de faire des discours ; il s’agit d’agir, comme vous le faites. » A ce rythme, le carnet de commandes de « Potagers & compagnie » pourrait bien se remplir à grande vitesse, comme son savoureux et coloré panier hebdomadai­re.

Le long de la Ribeirotte, c’est ainsi un projet « en tous points vertueux » qui pousse au coeur de la Provence verte.

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(Photos H.D.S.) Après que la crise du Covid a mis en lumière certaines vulnérabil­ités alimentair­es, le projet de « Potagers & compagnie », qui mûrissait déjà bien avant, répond à une problémati­que très actuelle.
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