Stéphane Lerouge : « Il était une rock star de la musique de films »
Stéphane Lerouge, concepteur de la collection discographique de bandes originales de films, « Ecoutez le cinéma ! » chez Universal, a publié un coffret, « Ennio Morricone – Musiques de films 1964-2015 » retraçant la carrière du Maestro italien en 400 titres. Il l’avait rencontré à plusieurs reprises.
Comment avez-vous fait la connaissance d’Ennio Morricone ? Je l’ai découvert lorsque j’étais adolescent avant de le rencontrer à Paris dans les années . Je l’ai revu en lorsqu’il est venu au Festival d’Auxerre dont je faisais la programmation musicale. Il y avait alors plusieurs réalisateurs français dans la salle dont Edouard Molinaro (pour lequel il a écrit la musique des premières « Cage aux folles », NDLR), Maurice Jarre, Alexandre Desplat, un de ses héritiers, et même Mireille Mathieu. Je l’ai revu en à Paris pour lui parler du coffret que je voulais faire sur sa carrière, avant d’aller à Rome au printemps pour l’élaboration définitive du coffret et une interview qui l’accompagne. J’ai eu la chance de passer une journée chez lui à Rome.
Comment était-il ? C’était un homme très différent ces dernières années. Après avoir eu tout le cinéma mondial à ses pieds, il choisissait ceux qui l’intéressaient le plus. Morricone était une rockstar de la musique de films. Il avait décidé de faire une sorte de break après « Les Huit Salopards » de Quentin Tarantino pour lequel il a reçu un Oscar en . Cette récompense lui a amené des tas de sollicitations de cinéastes de la nouvelle génération dont le mexicain Alejandro Gonzales Inarritu, et l’italien Mattéo Garrone dont il a refusé le Pinocchio. Ennio a décidé alors de se consacrer à sa famille qu’il estimait avoir trop négligé durant toutes ses années d’hyper-activité. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il aurait accepté de retravailler avec Giuseppe Tornatore (« Cinéma Paradiso »), si celui-ci avait pu réaliser un film sur le siège de Stalingrad qui était le grand projet inabouti de Sergio Leone avant sa mort en . Tornatore lui avait demandé de faire la musique de ses films selon la méthode de Sergio Leone. Que le scénario soit écrit, que la musique soit enregistrée avant le tournage pour être diffusée sur le plateau et que les comédiens s’y adaptent. Comme le fait d’ailleurs Claude Lelouch.
Quelles sont vos musiques préférées d’Ennio Morricone ? C’est très difficile à dire. Mais de façon subjective j’adore celle de « Il était une fois l’Amérique » de Sergio Leone parce que c’est l’adieu du réalisateur à Morricone. Deux génies qui font leur dernier film ensemble sans le savoir. C’est aussi le film le plus Proustien ou Modianesque de Leone. Dans les musiques qu’il a composées pour les films d’Henri Verneuil, c’est « Le Clan des Siciliens » parce que l’on y retrouve trois influences de Morricone. Le prélude de Bach, les guimbardes siciliennes, et le thème thriller qui correspond au personnage d’Alain Delon dont il a eu l’idée à Paris en entendant les sirènes de police.