Archie Shepp a débarqué à Porquerolles
Frank Cassenti, le fondateur du festival Jazz à Porquerolles, se souvient comme si c’était hier du premier concert du musicien sur l’île en juillet 2002.
Mon plus beau souvenir, et pourtant il y en a eu, c’est sans doute quand j’ai vu Archie Shepp sur le quai du port de Porquerolles. Il était accompagné par le batteur Aldo Romano. Deux légendes du jazz dans un lieu aussi magique, c’était vraiment quelque chose. » L’émotion est en tout cas toujours bien présente dans la voix de Frank Cassenti. Les souvenirs de cette première édition du festival Jazz à Porquerolles, en 2002, affluent. « D’ailleurs, je ne pensais absolument pas qu’il y en aurait d’autres et que l’événement allait s’inscrire dans la durée. Moi, j’avais monté ça avec des amis un peu pour me faire plaisir. Être toujours présent plus de vingt ans après, c’est presque improbable », sourit-il. Le festival, c’est un peu la rencontre entre ses deux passions : le jazz et l’île de Porquerolles. « Je ne connaissais pas du tout quand je suis arrivé un jour ici au bord d’un voilier. J’ai tout de suite été fasciné, complètement charmé par cet environnement. » Il n’en fallait pas plus à ce réalisateur pour titiller sa créativité.
Le Matin des Noirs
« Avec les moyens du bord, j’ai rassemblé quelques amis. J’ai été porté par François Carrassan, adjoint à la culture de la ville d’Hyères mais aussi Emmanuel Lopez, alors directeur du parc national de PortCros. Et finalement, on a réussi à monter quelque chose de sympa. » Quelque chose de sympa qui a su réunir de sacrés grands noms de la discipline. Archie Shepp, ça pose, quand même, en termes de programmation ! Ténor du saxophone, dieu du jazz, la réputation de l’Américain n’est plus à faire. Disciple de Coltrane, c’est un virtuose. Alors forcément, le voir se produire sur une petite scène à Porquerolles… « C’était un rêve qui se réalise. À chaque édition, c’est un peu le cas mais ce n’est pas exactement la même magie que ce premier concert », souligne un brin nostalgique Frank Cassenti. Pour ce premier exercice, Archie Shepp a notamment joué son fabuleux morceau Le Matin des Noirs, « un thème tout simplement magnifique », souligne le fondateur de Jazz à Porquerolles. Un véritable manifeste musical de la lutte pour les droits civiques. Shepp l’a joué pour la première fois au Festival de Newport en 1965. Le grand Coltrane l’avait invité à s’y produire. Et c’est ainsi que le saxophoniste était sorti de l’anonymat. Le morceau a connu une nouvelle jeunesse quelques années plus tard lorsque Shepp commence à l’interpréter avec le pianiste Siegfried Kessler. Lui aussi fait partie de l’aventure porquerollaise. D’où ce moment sublime auquel seulement quelques spectateurs privilégiés ont pu assister. Frank Cassenti en perd ses mots. Parce que cette soirée-là va bien au-delà de cette affiche de rêve. D’une programmation qui pourrait faire pâlir d’envie tout organisateur de festival. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’ambiance qu’on a réussi à créer tous ensemble. »
Venu pour faire la fête
Clairement, la joyeuse bande était venue sur l’île pour s’amuser en musique. Aucun timing de fin de concert n’était fixé en ce 4 juillet 2002, ils auraient presque pu jouer toute la nuit… « Archie, Aldo et les autres étaient là pour faire la fête, pour partager un moment privilégié. » D’ailleurs, pendant cette première édition, et c’est toujours le cas aujourd’hui, les musiciens restent sur place durant toute la durée du festival. Cela facilite les échanges, le côté presque familial de l’événement estival. « C’était une vraie volonté et au départ aussi, une façon de les rémunérer. Nous n’avions clairement aucun moyen. Avec ma poignée d’amis, on a tout financé nousmêmes. Les musiciens ont accepté que leurs cachets soient modiques, ils consistaient principalement à être logés et nourris. On a fait jouer la solidarité, les contacts, l’aide des copains à droite à gauche. Clairement, ce petit côté bricolage a contribué à créer cette atmosphère tellement particulière. » Et cette dernière a semblé parfaitement convenir à Archie Shepp. Il revient chaque année depuis lors. Il est même devenu président d’honneur de Jazz à Porquerolles.
Archie sur l’île, c’est un rêve qui se réalise”
Pas question pour Frank Cassenti de ne pas entendre quelques notes de jazz résonner à Porquerolles cette année. Mais, coronavirus oblige, il a fallu s’adapter. Le festival se déroulera donc du au juillet (plus une date le juillet à Châteauvallon à Ollioules). Le premier jour, on retrouvera sur scène Vincent Peirani puis Amou’Caché & Friends. Le deuxième soir, le public a rendez-vous Ronnie Lynn Patterson et la projection du film Changer le monde (Frank Cassenti). Les festivités se termineront le lendemain avec une lecture musicale et un film sur Petrucciani. Toutes les soirées sont exceptionnellement gratuites. « Nous sommes dans une édition un peu spéciale, c’est à la bonne franquette, comme la première année finalement. » Rens. jazzporquerolles.org