Var-Matin (Grand Toulon)

Des ruelles aux noms d’avenues, vous ne le verrez qu’à Marseille !”

- KARINE MICHEL PHOTOS FRANK MULLER

Marseille, on la connaît de réputation. Son club de foot, ses quartiers nord, le Frioul et le château d’If. La Bonne Mère enfin qui veille sur les quelque 900 000 âmes de la cité phocéenne. Ses clichés autour de la saleté, de son insalubrit­é. Le drame de la rue d’Aubagne a fait, hélas, le tour du monde. Marseille intrigue autant qu’elle fascine. C’est sans doute aussi la raison pour laquelle Olivier Duvallet a conçu des balades urbaines pour rompre avec les clichés. À trente-huit ans, cet ancien urbaniste connaît tout (ou presque) de l’endroit où il a grandi. Il a travaillé d’ailleurs sur les grands projets qui ont fondé la ville d’aujourd’hui. Féru d’architectu­re, cartograph­e, ce guide hors norme a complété ses connaissan­ces historique­s et livre désormais les secrets de Marseille, d’hier et d’aujourd’hui, qu’il fait parcourir à pied. Dix kilomètres au moins, entre mer et sommet. Les groupes ne dépassent pas dix personnes. Pas en raison des règles d’hygiène qui régissent la vie par temps de Covid mais parce qu’Olivier privilégie d’abord l’échange et la communicat­ion avec les gens. Une balade entre points de vue propices à la contemplat­ion et histoire, qui commence au Vieux-Port. Rendez-vous est fixé là, à deux pas de La Canebière version 2020 (en partie piétonnièr­e) et direction le jardin du Pharo – officielle­ment le jardin Émile Duclaux – en longeant les quais. « À Marseille la toponymie est très compliquée : il y a toujours des surnoms pour tout. Les noms officiels comptent finalement très peu… », sourit Olivier Duvallet. Ça remonte sûrement à la légende fondatrice de la cité, « très romancée » de Gyptis et Protis lorsque, il y a 2 600 ans, une petite tribu de Celto-ligures situés à neuf kilomètres au nord de Marseille qui voient débarquer des bateaux venus d’une ville grecque nommée… Phocée (1).

Le Panier, quartier originel

« Tout a commencé ici, raconte Olivier en montrant le quartier qui longe le quai, de l’autre côté. Au Panier, quartier originel de Marseille, d’abord sur la butte pour contrôler ce qui se passait sur la mer puis, petit à petit, les maisons ont gagné le bord de l’eau, et le VieuxPort est né. Protégé du vent et des vagues. » Ainsi naquit Marseille, qui n’a alors cessé de croître et de prospérer jusqu’au début du XXe siècle. On trace sans s’attarder sur l’histoire médiévale, « cela ne nous éclaire pas sur ce qu’est Marseille aujourd’hui », justifie Olivier qui aime prendre le temps d’expliquer pourquoi la ville a évolué ainsi. Une ville de contrastes, tournée vers le bassin méditerran­éen, une terre de migrations, qui entretient un rapport très étroit avec l’eau.

Dans le jardin du Pharo, au pied du palais du même nom – que Napoléon III fit construire pour son épouse, Eugénie –, on a vue sur les forts Saint-Nicolas et Saint-Jean, sur le Mucem. On plonge en 1840 sous le règne de Napoléon III qui est alors à la recherche d’un grand port. « C’est aussi le début de la révolution industriel­le », raconte notre guide, qui présente le nouveau port de l’époque, la Joliette. Marseille double de volume, devient très riche, très cultivée. Alors que les riches familles d’industriel­s s’installent dans les quartiers sud, la ville poursuit son expansion et est stoppée par la Première Guerre mondiale. Toujours depuis le jardin du Pharo, le panorama en témoigne. Grand angle sur la Joliette et les quartiers nord, « on croit que c’est une zone de non-droit, mais ce sont en fait des villages agglomérés à un centre urbain ». Et des cités venues grossir le cliché. Vue de l’intérieur, Marsiglia est l’agglomérat­ion de petits villages, freinés par des collines d’un côté, par la Méditerran­ée de l’autre. Ce sont aujourd’hui cent onze quartiers qui se côtoient, entre passé et présent, opulence et dénuement. Plage des Catalans, célèbre plage urbaine de la ville où, domine, inébranlab­le, le Cercle des Nageurs de Marseille. Un immeuble de grand standing est en constructi­on. Architecte : Rudy Ricciotti. À l’opposé, la Tour de quarantain­e, utilisée lors de l’arrivée. Corniche John Fitzgerald Kennedy, Arche des « Héros de l’armée d’Orient et des terres lointaines » : la ville salue à de multiples reprises les hommes de mer.

Port des Auffes, anse de Maldormé

Accessible par un escalier depuis la corniche, le Vallon des Auffes, son petit port et ses cabanons. Son avenue Edmond-Oraison où même une Smart ne pourrait pas s’aventurer. « Des ruelles aux noms d’avenues, vous ne le verrez qu’à Marseille ! », poursuit notre guide, admiratif en expliquant le pourquoi du comment... Calanque de Malmousque, où la plaque de rue « On va à la calanque » compte parmi les plus volées de Marseille. Le calme est désormais bien ancré, seulement dérangé par le bruit de l’eau que l’homme chahute. Car d’ici, les chemins de rochers descendent jusqu’à la mer… Plus loin, l’anse de Maldormé, traverse de la Cascade, offre une vue sur la rade sud de la cité. On y voit de grandes maisons, de beaux jardins. On oublie le bruit. Suit le port de la Fausse monnaie. « À partir de là, on se balade vraiment dans les petites ruelles de la ville. » Le Marégraphe, là où l’on a mesuré le niveau zéro de l’eau pour déterminer le niveau zéro de l’altitude. Direction le parc botanique Valmer, véritable hommage à la Méditerran­ée, où sera bientôt construit un hôtel grand luxe et, à partir de là, on entame la montée vers la Bonne Mère, Notre-Dame-de-La Garde, à travers le quartier Bompard, assez aisé et calme du centrevill­e. La visite est solennelle. Le point de vue contemplat­if depuis le jardin revêt toute la dimension de la cité que l’on vient d’apprendre. Ne reste plus qu’à redescendr­e. 1. Phocée appartient aujourd’hui à laTurquie,ce serait la ville d’Izmir.

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