Var-Matin (Grand Toulon)

« L’édition 2020 milite pour le contrôle continu »

Pour Charles Hadji, expert en éducation, le bac 2020 aura la même valeur que l’examen traditionn­el avec épreuve. Seul le rite social de l’angoisse à l’heure du résultat a manqué

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MINARD/ALP

Le bac  est-il selon vous un véritable bac ? Je vous réponds plutôt oui. C’est l’occasion de se poser les vraies questions : qu’est-ce qu’un bac ? Quelles en sont les finalités ? L’occasion donc de rappeler que le bac est un examen qui a plusieurs grandes dimensions. C’est d’abord une épreuve d’évaluation qui sert à valider un niveau de connaissan­ce et de compétence. Est-ce que le bac  certifie de manière pertinente et correcte ce niveau de connaissan­ce ? Autrement dit, est-ce qu’un contrôle continu est aussi pertinent qu’un contrôle terminal ? Il me semble que oui et qu’il permet tout autant de constater et certifier un niveau de connaissan­ce.

Quelles sont les autres dimensions du bac ? Le bac est un rite social, de fin d’adolescenc­e, de passage à l’université, d’entrée dans la vie adulte et c’est enfin un moment convivial, ou l’on rit et pleure ensemble, avec les copains, avec la famille au moment des résultats. Cette année, cette dernière dimension est gommée de façon importante. Cependant, la plupart des élèves sont rassurés sur leur possible réussite et cela n’a rien à voir avec l’anxiété et l’angoisse de l’attente de publicatio­n des résultats. Ils connaissen­t la réalité de leur travail. Certains regrettero­nt juste de ne pas avoir assez travaillé tout au long de l’année. Je parle des sprinters qui révisent à la dernière minute, à la différence des marathonie­ns.

Régularité du travail, pas d’angoisse inutile, le contrôle continu vous semble donc pertinent ? Le contrôle terminal et le contrôle continu ont chacun leur mérite. Le mérite essentiel du contrôle terminal c’est d’offrir une garantie de validité des acquis de toute une année. En d’autres termes, c’est le bon moment pour vérifier le niveau de connaissan­ce. Celui du mérite continu est d’observer et d’enregistre­r les performanc­es des élèves tout au long de l’année de terminale, mais aussi de celle de première. De ce point de vue, il n’a pas la dimension d’épreuve couperet qu’a le contrôle terminal, et il n’a pas non plus la dimension de loterie inhérente de l’examen traditionn­el, où l’on joue tout sur un seul coup.

La crise sanitaire va-t-elle signer la mort du bac traditionn­el ? Je pense en effet que le bac  va militer pour le contrôle continu. En , l’irruption surprise du contrôle continu au niveau du baccalauré­at a entraîné des blocages, mais beaucoup ont fini par se rendre compte que c’était un moyen de contrôle tout aussi valable et tout aussi objectif, voire plus, que l’examen traditionn­el de fin d’année. Ce qui s’est passé cette année va accélérer les choses en faveur du contrôle continu. Le fond de ma pensée, c’est que la bonne mesure consistera­it à unir les deux, ce qui limiterait le bachotage mais permettrai­t de maintenir le rite social, en donnant au moins autant d’importance au contrôle continu. Un / permettrai­t de tenir compte des efforts fournis par les élèves tout au long de l’année et de baser la certificat­ion sur ce travail. Et donner ainsi plus de chance aux marathonie­ns.

Pensez-vous que l’on dira de cette génération qu’elle a reçu le bac en cadeau, comme on l’a dit de celle qui a passé l’épreuve en  ? L’avenir le dira… C’est un risque. Je pense toutefois que cela a peu de chance de rester comme une tache indélébile. Les bacheliers de  ne se sont pas plus mal portés que les autres. Il y a certes eu un taux de réussite significat­if cette année-là, mais il y a aussi eu un taux significat­ivement plus élevé de réussite au niveau universita­ire dans les années qui ont suivi. Autrement dit, le bac  n’a pas du tout été un boulet. Je pense qu’il en sera de même cette année, d’autant plus que les taux de réussite tendent vers les  %. Le bac est un examen pour lequel l’échec et non pas impossible, mais très limité.

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