Var-Matin (Grand Toulon)

« L’appellatio­n Côtes de Provence est résiliente »

Eric Pastorino, président du syndicat des vins Côtes de Provence, salue la résistance du marché malgré la chute d’activité due au confinemen­t. Il regrette l’absence de soutien de l’État à la filière

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Cette année 2020 restera gravée dans nos esprits. L’impossible est survenu ». Les premiers mots d’Eric Pastorino, lors de l’assemblée générale du syndicat des vins Côtes de Provence, hier aux Arcs-sur-Argens, résument le sentiment de toute une profession. Leader mondial du rosé, l’appellatio­n a subi en quelques mois les taxes imposées par Trump, la chute de la demande lors du confinemen­t et un épisode de gel. Le point sur la situation avec le patron de l’AOC.

Comment avez-vous traversé cette crise sanitaire ? Début mars, on s’attendait au pire. Dans les coopérativ­es, la crise a été plus amortie. Pour les indépendan­ts, avec les caveaux fermés, les hôtels et restaurant­s fermés, cela a été plus dur. Pour tous, les frais sont restés identiques, on a continué à travailler avec nos salariés, la vigne n’attend pas. Et quand le gel des  et  mars est arrivé, on ne savait plus si c’était un cauchemar ou la réalité. J’ai ressenti une immense inquiétude dans le vignoble à ce moment-là. Aujourd’hui, la crise n’est pas terminée, mais j’en retiens une chose : la grande solidarité et l’ambition des vignerons. Ils ont innové, ont organisé des drives, des livraisons, des partages d’apéritif sur les réseaux sociaux… Ce sont des gens qui ne se laissent pas abattre. Nous sommes des chefs d’entreprise­s agricoles et avons agi comme des chefs d’entreprise.

Quels sont les résultats ? Pour juin, premier mois d’activité complet, nous sommes à plus  % de sortie de vin du chai (vente aux négociants, aux grandes surfaces, exportatio­ns). C’est beau. Notre retard global du er janvier au  juin  par rapport à la même période en  n’est que de moins  %. Les bons chiffres donnent de l’espoir.

Quelles conclusion­s en tirezvous ? Notre appellatio­n est résiliente face à cette crise. Ce sont des signes encouragea­nts, il faut que cela se confirme. Les chiffres de juillet et août seront déterminan­ts pour apprécier l’impact de la crise. Cette tendance macroécono­mique des Côtes de Provence ne doit pas faire oublier que beaucoup de vignerons ont été fragilisés et le seront encore plus l’année prochaine avec des pertes importante­s dues au gel. Mais dans ces circonstan­ces, cela

Notre filière est abandonnée par l’État”

démontre que la filière a une capacité de rebond. Autre constat, il y a énormément de touristes, notamment une clientèle française qui découvre la ruralité. Dans les caveaux, on fait des ventes extraordin­aires, et à la Maison des vins, nous sommes à plus  % depuis début juillet. Le tourisme est un facteur clé de notre économie, il est essentiel à la ruralité. Il faut l’encourager, nous avons besoin de soutien.

Quel type de soutien attendezvo­us ? On s’interroge : pourquoi notre filière, qui représente le deuxième secteur excédentai­re de la balance commercial­e derrière l’aéronautiq­ue, n’est pas aidée par l’État comme d’autres ? Beaucoup de petites et moyennes entreprise­s ont souffert, les trésorerie­s sont en difficulté. Nous ne voulons pas grand-chose. On demandait une exonératio­n des charges sociales et cotisation­s sociales pour les entreprise­s qui ont perdu plus de  % de leur chiffre d’affaires pour les trois mois de confinemen­t. On n’a rien eu. Pourtant, nos élus locaux, la députée (de la majorité, Ndlr) Sereine Mauborgne, le conseil régional se sont démenés à nos côtés. Nos instances nationales ont fait remonter, mais les ministres de l’Économie, des Finances et de l’Agricultur­e, n’ont pas donné suite. Quand on voit les milliards donnés à l’aéronautiq­ue, et qu’en plus ils licencient…

Qu’est-ce que cela vous inspire ? Il y a presque une sorte de dédain pour nous, pour nos territoire­s, l’État nous oublie, nous abandonne, je le regrette. On ne mérite pas ce traitement. Nous, nous ne licencions pas. Très peu d’entre nous ont eu recours au chômage partiel. La viticultur­e et ses emplois ne sont pas délocalisa­bles, alors qu’on nous parle de relocalise­r l’industrie. On est dans une agricultur­e qui se réoriente vers la haute qualité environnem­entale, le bio, on travaille quand on nous demande de changer de modèle et on commence à avoir des résultats. Si vous enlevez la viticultur­e du Var, que reste-t-il ? Nous y représento­ns   emplois directs et   indirects. Tout ne peut pas être tourné que vers les villes. Nous sommes une réalité, la ruralité est une réalité, il faut la soutenir.

Comment avez-vous affronté la hausse des taxes sur les importatio­ns de vin par Donald Trump ? Dans cette histoire, notre viticultur­e française et provençale est l’otage du conflit sur les aides financière­s que l’Union européenne accorde à Airbus. Nous vivons avec une épée de Damoclès sur la tête : le  août, comme tous les six mois, Trump aura la possibilit­é d’augmenter encore ces taxes et n’hésitera pas si ça lui fait gagner des points dans les sondages. Or l’État français et l’Union européenne refusent aujourd’hui de financer une compensati­on, ils se renvoient la balle… Le marché américain est notre premier marché à l’export. Les entreprise­s à taille humaine ont tout perdu car elles n’ont pas pu réduire leur marge, les entreprise­s de négoce ont pu en partie l’absorber, c’est pourquoi

La récolte sera petite mais on s’attend à un millésime exceptionn­el”

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