Var-Matin (Grand Toulon)

« 56 nuits d’insomnies : une épreuve psychologi­que »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

«Yes!» Ce sont trois lettres qui en disent long, au terme de centaines de chiffres. En voyant ces lignes continues sur des pages froissées, on songe à Robinson Crusoé, seul au monde, sculptant le bois pour compter les jours. Mais non. Cette suite de chiffres retrace « l’insupporta­ble attente » d’une famille niçoise, en 2020, jusqu’au verdict de Parcoursup. 56 jours d’angoisse. 56 nuits d’insomnies. Et enfin, ce «Yes!» au bout du suspens. Maxime (1), 18 ans, a obtenu satisfacti­on le 14 juillet. Pour lui et les siens, le jour de fête nationale aura été celui du grand «ouf» . Ce bachelier niçois est admis en fac de médecine, au Nord-Ouest, dans sa région d’origine qui plus est. «Onn’y croyait plus », concède Marie (1), 47 ans, maman essorée par deux mois de stress.

Remontada in extremis

« Au début, on se disait : on va y arriver. Le classement a évolué de façon assez progressiv­e. Ça s’est ralenti sur la fin. Certains jours, c’était complèteme­nt gelé... » Grignotant place après place, au gré de l’algorithme de Parcoursup, Maxime a réussi une remontada qui le propulse vers la filière de son choix. Et qui lui entrouvre les portes d’une carrière médicale. Pourtant, Maxime était bien armé. Brevet mention très bien. Bon élève dans un lycée exigeant. Et un vieux rêve depuis le collège : devenir médecin. Mais à l’entrée de la terminale, c’est le coup de mou. Nouvelle classe, nouveau prof : de sales notes en maths plombent son premier trimestre. Reboosté par des cours particulie­rs, Maxime renoue avec les bonnes notes. « Mais sa progressio­n n’a pas été prise en compte », regrette Marie. Explicatio­n : « Avec Parcoursup, le troisième trimestre de terminale ne compte pas. Ils prennent en compte celui de première ». Résultat : Maxime est moins bien classé que prévu. Entretemps, il y a eu le confinemen­t. « Ça aurait pesé sans le Covid. Mais là, ça a pesé encore plus... » Ajoutez à cela une année babyboom (plus de candidats, moins de places), une réforme des études de médecine, et voilà Parcoursup qui vire au parcours du combattant.

Entonnoir numérique

« Tous les jours, on notait son classement, témoigne Sandrine. Tous les matins, on regarde combien de places on a gagnées. Plein de lycéens se lèvent même à 3 h du matin, au moment où le classement est rafraîchi. On ne sait jamais s’il reste des places ou pas. On est dans l’attente, sans personne à joindre. » Encore un point commun avec ce bon vieux Robinson... Antichambr­e des études supérieure­s, Parcoursup se voulait plus équitable. Mais Marie, son époux et leurs fils ont eu le temps d’en cerner les limites. « C’est un choix gouverneme­ntal. L’algorithme est le même que pour APB, l’ancien système. Les gens avaient l’impression que la machine décidait pour eux. Parcoursup, c’est très lent... Et cela donne l’impression d’être plus humain. » Le hic ? Les voeux ne sont pas hiérarchis­és. « Du coup, certains les gardent sous le coude jusqu’au bout. Et plein de lycéens prennent des choix par défaut. On les met en échec. Le nôtre a une scolarité exemplaire, et il finit dans un entonnoir numérique ! »

Conséquenc­e pour Maxime et ses parents : « Une épreuve psychologi­que. Parcoursup, ça a été 56 nuits d’insomnies. à se réveiller instinctiv­ement. Beaucoup de parents sont dans ce cas-là. On n’est pas des fous. » Au vu du côté kafkaïen du système, il y aurait pourtant de quoi le devenir. Maxime a commencé à faire de l’eczéma. Et son moral a été mis à rude épreuve.

«Unvraichoc»

Mardi dernier, les yeux cernés de sommeil, ses parents se loguent à Parcoursup... Alleluia ! Maxime est admis. Ils le réveillent pour le lui annoncer. Sans effusion de joie. « On était sidérés. C’était à la fois un soulagemen­t et un choc. Un vrai choc... » Et maintenant ? Cap au Nord-Ouest, dans trois semaines. Courte transition. Au moins, Maxime n’aura pas à chercher un appartemen­t : il va s’installer chez ses grands-parents. «Çayest:on peut se projeter, soupire Marie. Il a témoigné d’une vraie volonté de bosser. Il y a un vrai esprit de revanche. À présent, à lui de saisir sa chance... » Robinson Crusoé en est témoin : il ne faut jamais renoncer.

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(DR) Ces suites de chiffres retracent l’évolution du classement d’un bachelier sur Parcoursup, jour après jour, durant près de deux mois.

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