Var-Matin (Grand Toulon)

Antibes : le luxe sans l’effervesce­nce à l’Eden-Roc

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Navire amiral du groupe familial allemand Oetker, l’hôtel du CapEden-Roc est un temple du bienvivre, offrant depuis le cap d’Antibes un panorama sans égal sur la Méditerran­ée. Son directeur Philippe Perd évoque un été à part, différent. Sans toutefois déplorer la catastroph­e annoncée que laissait entrevoir la pandémie Covid-19.

Quelle clientèle manque-t-elle le plus à l’appel ? Nous avons en moyenne d’habitude  % d’Américains, et même  % sur les mois de juin et juillet. Bien évidemment, l’impact de la pandémie sur l’activité est très important. Nous n’avons pas de clients du MoyenOrien­t, de façon habituelle. Le Brésil représente une part de marché assez faible, de l’ordre de  %. Celle de la Russie est comprise entre  et  %, mais elle monte à  % au mois d’août. Même si je pense qu’il y a une chance que certains d’entre eux viennent, parce qu’ils vivent à Londres, Zürich ou Genève tout en ayant un passeport russe.

L’Europe suffit-elle à compenser cette absence ? Nous n’avons pas pu compenser l’absence des Américains. Nous avons toutefois une part de marché anglaise qui a bien progressé puisqu’elle s’élève ce mois-ci à  %. Nous avons rouvert le er juillet et nous devrions atteindre un taux d’occupation de  %. C’est plutôt bien, mais très faible si l’on compare avec le taux habituel qui est quasiment de  %.

Quel est l’état d’esprit, ici, sans les Américains ? Ce qui est étrange, c’est de ne pas voir les visages familiers. Ceux de clients fidèles depuis des décennies, des génération­s, et qui ont construit l’atmosphère de l’hôtel. L’âme, l’ambiance, ce sont eux qui la font. Le type d’échange que le personnel a établi au cours des années et continue d’établir avec ces habitués est très particulie­r. Ils font vraiment partie de la famille. Comme nous avons coutume de le dire, l’Hôtel du Cap est leur maison. Eh bien, la maison sans eux, ce n’est pas la même chose. Au-delà de l’aspect économique qui est important, car cette crise, c’est beaucoup de chiffre d’affaires en moins, l’ambiance est très agréable, mais il manque ce je-ne-sais-quoi que l’on a sur la terrasse du bar Bellini le soir ou le matin, au petitdéjeu­ner, puisque tout le monde s’y retrouve, chacun à sa table. Ou dans les cabanes du bord de mer : un club dans le club. Tout cela nous manque.

Un supplément d’âme aux abonnés absents ? Oui, ce petit supplément d’âme que, malheureus­ement, je ne vois pas se profiler au mois d’août. Nous avons quelques Américains, soit parce qu’ils vivent à Londres, soit parce qu’ils ont été confinés en Europe, à l’occasion d’un voyage d’affaires. Mais tous les jours, je reçois des e-mails ou des appels de clients fidèles qui s’excusent de ne pas pouvoir venir et nous donnent rendezvous l’année prochaine. Parfois sans une situation très difficile, ne pouvant pas, pour certains, sortir non pas seulement de leur pays, mais de leur État.

On est loin cependant de la catastroph­e annoncée ? Sur le plan économique, ce n’est pas dramatique car je pense très sincèremen­t que nous allons pouvoir compenser avec une clientèle européenne qui réserve, c’est d’ailleurs assez incroyable, à la dernière minute. Les séjours sont plus courts. Loin des dix jours ou parfois du mois entier, s’agissant des Américains. La résultante, je pense, de prix élevés que nous n’avons pas baissés et que nous ne baisserons pas. Les Français sont très peu à venir. Des Européens qui visitent la Côte d’Azur – c’est une bonne chose – font plusieurs stops. Le cap d’Antibes, mais aussi SaintTrope­z, le Luberon.

Quels sont-ils, les prix de l’hôtel du Cap-Eden-Roc ? La clientèle de l’hôtel profite de la restaurati­on beaucoup plus que l’année précédente. S’exposer dans d’autres restaurant­s, c’est une inquiétude, même si mes confrères restaurate­urs respectent scrupuleus­ement, j’en suis sûr, les protocoles sanitaires. Donc, en termes de ratio, ou de « taux de capture », selon le jargon de l’hôtellerie, le résultat est très bon. D’autant que nous avons entièremen­t rénové le grill et ouvert notre nouveau restaurant, Louroc, uniquement le soir puisque le buffet est impossible à l’heure du déjeuner, Covid oblige. Notre chef consultant Éric Frechon [N.D.L.R. : chef troisétoil­es du Bristol à Paris, l’autre fleuron du groupe Oetker ]créeun intérêt, un engouement. Nous travaillon­s très bien.

Est-il grossier d’insister sur les prix ? Le tarif est compris entre   pour une chambre double et   euros pour une suite. Le prix moyen, sur le mois de juillet, tourne autour de  euros.

Cet hôtel est un paquebot. Quel en est l’équipage ? Nous avons  chambres. Actuelleme­nt  employés, au lieu de  habituelle­ment.

À aucun moment vous ne vous êtes posé la question de ne pas rouvrir cet été ? J’ai imaginé, avec mon équipe, un type de fonctionne­ment différent. Avec, au départ, l’idée de n’ouvrir que l’Eden-Roc avec ses  junior suites et un seul restaurant. C’est le niveau des réservatio­ns qui a dicté le choix d’ouvrir aussi le Grand Hôtel .Le week-end, tout est presque complet. Finalement, nous sommes le seul établissem­ent parmi les neuf de la « collection » de la famille Oetker à avoir ouvert, avec le Branners Park Hotel de Baden-Baden, en Allemagne. Cette « collection » représenta­nt  % de l’ensemble des activités de la famille.

Un été différent, mais un bel été tout de même ? Que peut-on faire ? Le dos rond. Espérer que le vaccin sera mis au point rapidement. Et apprendre à vivre intelligem­ment, en respectant les protocoles sanitaires sans effrayer nos clients. Ce qui transparaî­t d’ailleurs dans les commentair­es où l’on nous dit que l’Hôtel du Cap gère la situation avec élégance, sans avoir transformé l’espace commun en hôpital. Il faut continuer, avec rigueur. Jusqu’au  octobre, puisque nous fermerons une semaine plus tôt, faute de Mipcom [Marché internatio­nal des programmes de communicat­ion, à Cannes, ndlr]. Nous rouvrirons mi-avril.

 ?? (Ph. F. L.) ?? « Il manque ce je-ne-sais-quoi, comme un petit supplément d’âme », regrette Philippe Perd.
(Ph. F. L.) « Il manque ce je-ne-sais-quoi, comme un petit supplément d’âme », regrette Philippe Perd.

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