NATHALIE BRUN nbrun@nicematin.fr
Sur les hauteurs de la vieille ville d’Hyères, le castel Sainte-Claire qui abrite aujourd’hui le siège administratif du parc national de Port-Cros, s’est assujetti avec élégance aux mutations successives de la cité des Palmiers. Sur le plan architectural et urbanistique, il marque les prémices de la station hivernale huppée que va devenir Hyères dans la seconde partie du XIXe, mais aussi les débuts de l’éclectisme dans l’architecture locale. Aujourd’hui propriété de la Ville qui a restauré le parc botanique de la propriété, classé jardin remarquable, le castel se glorifie de posséder l’une des plus belles et spectaculaires terrasses sur Hyères et sa baie. Construit en 1849 par le découvreur de la Vénus de Milo, Olivier Voutier, il a été la propriété d’Edith Wharton pendant dix ans, de 1927 à 1937.
Les beaux quartiers
« Entre 1848 et 1851, le castel Sainte-Claire et le Grand Hôtel des Îles d’Or apparaissent presque simultanément aux franges de la ville. Ce sont deux explorations majeures des programmes de la villa et de l’hôtel, qui marquent une étape importante de l’histoire urbaine hyéroise » ,expose Odile Jaquemin, historienne de l’architecture et urbaniste, auteur d’une thèse sur la formation du paysage urbain dans la rade hyéroise (1).
Le temps de la fantaisie
En 1849, le colonel Olivier Voutier, héros de la guerre d’indépendance de la Grèce, passionné d’archéologie, choisit ce terrain tout proche des ruines romantiques du château médiéval, pour y bâtir cette agréable retraite. Le paysage et la vue sur les Stoechades lui rappellent les
(2) Cyclades. Il est notamment l’ami du peintre Horace Vernet qui s’établira non loin, aux Bormettes, en 1855. Le site sur lequel Voutier va édifier son « castel » est celui d’un ancien couvent des Clarisses en ruine, pratiquement intégré dans le périmètre du château médiéval. « Olivier Voutier en fait une étonnante expérimentation de synthèse entre le modèle du château, celui de l’hôtel particulier et celui de la villa. Malgré son appellation de « castel » et ses références à l’architecture médiévale, il s’agit surtout de la première résidence d’hivernant construite sur le modèle d’une villa. » Le castel précède ainsi de quelques années l’édification de ces grandes villas, châteaux et palaces qui poussent à Hyères comme des champignons, entre 1855 et 1860, à Costebelle, Saint-Pierre des Horts ou au quartier d’Orient. « On ignore si l’architecte Victor Trotobas, l’unique architecte local connu à l’époque, est intervenu dans les plans du castel qui passent pour avoir été élaborés par Voutier luimême », note Odile Jaquemin. « Conçu comme un modèle réduit de forteresse néo-romane, le bâtiment semble intégrer dans ses tours, les vestiges des anciennes tours des remparts. Le style allie les références à l’architecture militaire (crénelages, archères, etc.), avec les ouvertures romanes (baies en plein cintre avec double ou triple arcature). Aucune documentation ne permet de reconstituer le plan de la villa originale – sans doute largement modifié en 1927 pour Edith Wharton. Mais derrière cette fantaisie romane, le programme de la villa – orientée au midi avec vue sur la mer – est clairement énoncé. »
Remaniée par Marc Knight
Voutier se fera enterrer sur les hauteurs du jardin. Rachetée par Arthur Rangod Pechiney en 1906, la propriété, rebaptisée SainteClaire, passe en 1927 aux mains de la romancière américaine Edith Wharton qui confiera son remaniement à l’architecte américain Marc Knight. L’auteur du Temps de l’innocence y passera chaque hiver jusqu’à sa mort en 1937. 1.
2005. 2. Nom donné par les navigateurs grecs aux Îles d’Or. > Le parc Sainte-Claire est ouvert librement au public de heures à heures. Un sentier piétonnier le relie à un autre jardin remarquable tout proche, celui du parc Saint-Bernard, l’ancien jardin de Charles de Noailles dont la villa cubiste a été bâtie en à proximité du castel. Comme son célèbre voisin, Edith Wharton aimait le jardinage et la botanique. Son ancien jardin en terrasses de m, aujourd’hui entretenu par les jardiniers de la ville d’Hyères, conserve quelques belles scènes de caractère méditerranéen et offre une vue somptueuse sur les toits de la ville et la mer. On y trouve de nombreuses essences, notamment d’Amérique du Sud et d’Australie qui s’acclimatent bien à la sécheresse du climat méditerranéen.