Var-Matin (Grand Toulon)

Racisme, média, crise… Natacha Polony livre son analyse de l’actu

En conférence à Bandol hier, et au Castellet demain, la directrice de la rédaction de l’hebdomadai­re Marianne vient débattre de l’actualité et livrer sa vision des choses aux Varois

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURY HOLSTE lholste@nicematin.fr Mardi 4 août à 18 h 30, conférence de Natacha Polony, sur le parvis de l’hôtel de Ville du Castellet. Entrée libre. Rens et rés. au 06.08.84.62.38. Port du masque obligatoir­e.

À45 ans, Natacha Polony, journalist­e et essayiste est une figure du monde médiatique. Directrice de la rédaction de Marianne et ancienne chroniqueu­se notamment chez Laurent Ruquier dans On n’est pas couché ,laquadragé­naire livre son analyse de l’actualité en France à Var-matin et en profite pour venir écouter et débattre avec les Bandolais et Castellans (1).

Pourquoi est-ce important pour vous de réaliser des conférence­sdébats ? Discuter avec les lecteurs et les citoyens est un moment d’échange très important. Ça permet de confronter les avis et de réfléchir ensemble à ce qu’il se passe dans le pays. On essaie de voir comment se sortir de certaines crises. L’essentiel finalement de ces moments d’échanges, c’est de rencontrer des gens avec qui on est d’accord, ou pas d’ailleurs, et de partager une réflexion. C’est fondamenta­l pour moi et ça me permet de ne pas être hors sol.

Quels thèmes évoquezvou­s ? On parle de tout ce qu’il se passe en France mais je ne viens pas pour faire un simple commentair­e d’actualité. On évoque la crise sanitaire dont on n’est pas encore sortie, la crise économique qui arrive et la crise démocratiq­ue qui sévit. Mais tous les thèmes sont évoqués puisqu’il s’agit d’un échange libre.

En tant que journalist­e, votre métier est au coeur des débats… Nous sommes la profession la plus détestée et on doit s’interroger sur les raisons. Ça tient souvent à notre rôle et notre objectivit­é.

Vous exprimez clairement vos opinions, pour vous un journalist­e peut-il être engagé ? J’ai commencé ma carrière aux côtés de Jean-François Kahn qui a toujours assumé son journalism­e d’opinion. Chaque personne a sa propre vision du monde et j’ai donc conscience qu’il y a une subjectivi­té dans mon travail. Comme dans celui de chaque journalist­e. Mais je pratique l’honnêteté intellectu­elle, je l’assume. Le journalism­e objectif n’existe pas. Le rôle des médias a une dimension essentiell­e dans notre société.

Et pourtant la défiance envers les médias augmente de jour en jour…

Si aujourd’hui les médias vivent une crise c’est à mon sens parce que beaucoup de journalist­es ne veulent pas reconnaîtr­e qu’on ne peut pas être objectif. On n’est pas curé. Nous n’avons pas à dire aux lecteurs « ça, c’est bien, ça, c’est mal ». Ce n’est pas notre rôle. On est là pour leur donner des faits, un argumentai­re et c’est à eux après de se construire leur propre opinion. On doit pouvoir donner aux citoyens les armes pour se forger leur propre vision des choses. Le problème c’est que nous avons tendance à exclure certaines visions du monde. Le problème n’est pas de donner son avis. Le problème c’est plutôt celui du pluralisme et de l’honnêteté intellectu­elle. Il faut assumer.

Le racisme est également un sujet d’actualité brûlant… C’est quelque chose dont on parle beaucoup et on est amené à en parler lors des conférence­s très régulièrem­ent. La question du racisme, de l’antiracism­e, du féminisme… Ce sont des sujets récurrents. Ces résurgence­s sont portées par des militants qui se basent sur une vision de la société importée des États-Unis et qui ne correspond absolument pas à notre histoire en France. Et c’est très dangereux pour la démocratie.

Pourquoi parlez-vous de danger ? Les causes comme le racisme sont des sujets d’une importance majeure mais elles sont confisquée­s par des militants qui ont une vision identitair­e et c’est cette vision qui est dangereuse car c’est du séparatism­e. Le message qui est finalement diffusé par ces militants c’est que nous sommes différents et que nous ne pouvons pas vivre ensemble alors que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas ma vision du monde et c’est surtout une vision profondéme­nt triste.

Vous évoquez également la crise sanitaire ? La crise et ses conséquenc­es. C’est un phénomène extérieur qui a parfois montré l’impuissanc­e du pouvoir public sur certaines choses. Je pense par exemple à la délocalisa­tion. Le modèle français a montré ses limites dans certains domaines et c’est aussi pour cela que la crise économique sera plus importante chez nous que dans certains pays d’Europe. Mais je crois que si l’on respecte la démocratie on s’en sortira.

Que retenez-vous de ce que les participan­ts vous disent lors des débats ? Je retrouve à chacun de ces débats une forme de colère de la part du public qui est en demande de pouvoir s’exprimer. Il veut être écouté et surtout respecté. Les questions territoria­les sont également essentiell­es. Un exemple, lors d’un débat à Limoges, nous avions abordé la question des territoire­s enclavés. Six cent personnes s’étaient déplacées pour débattre de ce sujet. C’est la vie concrète des citoyens, ce sont pour eux des sujets fondamenta­ux qui amènent à plusieurs réflexions. Il faut s’interroger sur ce qui est possible de faire dans ces secteurs par exemple pour rétablir l’égalité des chances. Il y a un sentiment d’abandon, on ne peut pas prétendre à une égalité entre un habitant d’une zone urbaine et un habitant vivant dans un secteur où par exemple les transports en commun ne sont presque plus accessible­s.

Je pratique l’honnêteté intellectu­elle, je l’assume. Le journalism­e objectif n’existe pas.”

Les causes comme le racisme sont confisquée­s par des militants qui ont une vision identitair­e. C’est dangereux car c’est du séparatism­e.”

Vous abordez également vos livres ? Tous les sujets d’actualité y mènent. Quand j’ai écrit en , Changer la vie, pour une reconquête démocratiq­ue, j’évoquais la démocratie malade et c’est encore aujourd’hui au coeur des débats. Tout comme d’ailleurs Délivrez-nous du bien ! Halte aux nouveaux inquisiteu­rs, coécrit par Jean-Michel Quatrepoin­t qui aborde beaucoup de faits de société comme le militantis­me.

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(Photo DR)

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