Var-Matin (Grand Toulon)

Bernard El Ghoul : « La région entretient des liens forts avec le Liban »

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE

Franco-Libanais, Bernard El Ghoul a dirigé Sciences Po Menton (Alpes-Maritimes) de  à . Depuis, il a pris les rênes de la Maison du Liban à Paris. Il décrypte sa relation privilégié­e avec la région Sud

Quel est votre ressenti à la vue de ces images terrifiant­es ? Mon sentiment, à   km de là, c’est évidemment la sidération, la tristesse. Cette catastroph­e touche un pays déjà considérab­lement meurtri. Ce que je retiens de ces dernières heures, c’est quand même l’élan de solidarité nationale et internatio­nale. Dans des circonstan­ces aussi tragiques, le Liban peut compter sur des pays amis, au premier rang desquels la France. Le déplacemen­t du Président Macron demain [aujourd’hui] est révélateur de ce lien très privilégié qui, malgré toutes ces difficulté­s, continue d’unir la France et le Liban. En tant que Franco-Libanais, j’y suis particuliè­rement sensible.

Comment qualifieri­ez-vous la relation entre ces deux pays ? Il y a deux choses très fortes.

D’une part, la France protectric­e des chrétiens d’Orient. Elle est intervenue à plusieurs reprises pour protéger les population­s chrétienne­s dans leur lutte face à d’autres. D’autre part, le mandat français et les relations toutes particuliè­res qui en sont nées. La séparation entre la France et le Liban ne s’est pas faite dans la douleur et la guerre, comme cela a pu être le cas avec d’autres territoire­s qui ont été français.

La Côte d’Azur compte une vaste communauté libanaise. Quels liens historique­s nous unissent ? Le Liban fonctionne avec une diaspora plus nombreuse à l’extérieur qu’à l’intérieur. La ville de Marseille a, ainsi, été un port de transit pour les Libanais qui cherchaien­t à émigrer vers les Amériques ou l’Afrique, fin XIXedébut XXe. Il y a eu un consulat à Marseille dès les années . Il y a des liens politiques, économique­s et socio-culturels très forts.

D’où pro viennent-ils ? Ils sont de différente­s natures. Après son départ du Liban, le général Aoun a été en exil à

Marseille. Il y a vécu et y a développé un certain nombre de relations. Aujourd’hui, la région Sud entretient des liens forts avec le Liban. J’ai d’ailleurs participé à la délégation qu’y a conduite Renaud Muselier il y a plus d’un an. Christian Estrosi, en tant que président du réseau des villes Euromed, a aussi organisé des conférence­s avec des élus libanais.

Et les présidents de la République successifs ont tous montré un intérêt fort pour le Liban. La relation de Jacques Chirac avec feu Rafic Hariri en a été le symbole.

En quoi cette communauté constitue-t-elle une richesse ? Il y a des liens économique­s forts : des hommes d’affaires tels qu’Iskandar Safa, avec le domaine Barbossi à Mandelieu, mais aussi Rodolphe Saadé qui dirige la CMA-CGM à Marseille, un acteur économique mondial de premier plan. Par ailleurs, on voit une vraie diversité dans cette diaspora : médecins, chauffeurs de taxis, avocats, garagistes... Cette communauté partage un vrai amour du Liban et de la France. Et elle se retrouve dans leurs liens.

Autour de quelles valeurs ? L’ouverture d’esprit. La tolérance. La liberté d’expression. Dans une région très marquée par les obscuranti­smes, le Liban, avec tous ses défauts, reste un exemple de trait d’union entre l’Orient et l’Occident. Avec toutes ses limites, le modèle libanais reste à chérir, en termes de coexistenc­e religieuse et de communauté­s.

Comment organiser la solidarité envers le Liban ? Le pays vit une crise économique et financière depuis plusieurs mois. La diaspora libanaise s’est largement mobilisée pour aider les familles sur place. Je sais que cet effort va redoubler. Beaucoup d’ONG se mobilisent en faveur du Liban. Il faut que les compatriot­es libanais, et les amis du Liban – au premier rang desquels les Français – se mobilisent. Enfin, l’action gouverneme­ntale est à saluer.

Comment se relever ? Les Libanais ont toujours fait preuve de beaucoup de résilience. Ils ont été le terrain de la guerre des autres, ont traversé quinze ans de guerre civile. L’épreuve d’aujourd’hui est d’une ampleur encore nouvelle et inconnue. L’urgence est à l’aide aux victimes et à leurs familles. Une fois ces besoins essentiels couverts, il faudra rouvrir le douloureux chapitre de la situation économique et financière.

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(Photo archives Michaël Alesi) Bernard El Ghoul a fondé Sciences Po Menton en , avant de la diriger jusqu’à l’an dernier.

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