Le baliste qui voulait se faire aussi gros que le requin !
Le mystère est élucidé. En fait d’un remake des Dents de la mer, ce sont tout au plus de dents de lait dont il s’agit… Le poisson mordeur qui sévit sur les plages de la région depuis le début de l’été est un baliste, également appelé « baliste gris » et plus rarement « cochon de mer ». On est loin du requin cher à Steven Spielberg. Docteur en biologie marine à l’Institut océanographique Paul-Ricard (Six-Fours), Remy Simide est aussi formel que son confrère Pascal Romans, responsable du Biodiversarium de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).
Curieux et téméraire
Depuis le début juillet, une dizaine de baigneurs ont été victimes de ce poisson mordeur, dans le Var (d’abord à Saint-Raphaël puis à La Seyne-sur-Mer), à Monaco et Antibes. Hier encore c’est sur la plage de Leucate (Aude) que le « monstre » a de nouveau attaqué un nageur. Toujours le même mode opératoire : c’est dans quelques dizaines de centimètres d’eau que le coupable sévit, s’attaque aux jambes, voire aux pieds, des baigneurs, y laissant sa marque : rarement plus qu’un ou deux points rouges… dont s’échappent dans le pire des cas quelques gouttes de sang. Sur la base d’une vidéo prise par deux plaisanciers, les deux chercheurs sont formels. Le monstre est bien un baliste, un poisson de 30 à 60 cm de forme ovale, gris mais parfois strié sur le flanc de marbrures marron aux reflets bleutés. De petits yeux indépendants et situés très haut sur la tête lui permettent de rester en alerte face aux prédateurs qui auraient l’intention de fondre sur lui. « Le baliste est un poisson curieux mais téméraire. Il n’est pas naturellement agressif. En revanche, il détermine autour de lui un territoire qu’il balise en faisant des cercles dans l’eau. S’il ne se sent pas en danger, il s’approche et n’étant pas craintif, ne fuit pas. En revanche, s’il estime qu’un baigneur ou tout autre animal pénètre sur son territoire, il attaque comme le font les poissons demoiselle dans les mers tropicales. Le baliste est doté de dents qui ressemblent à des toutes petites canines (c’est grâce à elles qu’il se nourrit des mollusques et des crustacés). Inoffensive, sa morsure tient plus d’un coup de pince que d’un arrachage. »
Le réchauffement des eaux ?
À la question du pourquoi d’une recrudescence d’attaques cet été, Remy Simide n’a pas de réponse : « On le retrouve de la mer Noire jusqu’aux Caraïbes et même au Brésil. En Méditerranée et dans le golfe de Gascogne, il est aussi chez lui. Donc, il se peut que des attaques similaires aient eu lieu sur nos côtes depuis des lustres ».
Reste à savoir si la prolifération de balistes le long de nos côtes n’est pas la cause de la multiplication de ces attaques. Comme la girelle paon et le poisson-perroquet rouge, le baliste fait en effet partie des espèces autochtones de la Méditerranée qui, avant les premiers effets du réchauffement climatique, étaient surtout cantonnées dans le sud et l’est de la Grande Bleue. Un constat qui vaut aussi pour les barracudas : « Avec le réchauffement des eaux, confirme Rémy Simide , ils sont de plus en plus présents sur nos côtes et surtout de plus en plus gros, certains individus pouvant atteindre 1,20 m. »