Var-Matin (Grand Toulon)

ANDRÉ PEYREGNE PHOTOS DYLAN MEIFFRET

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Ilest17h30­auparcduPi­anà Menton. Imaginez une oliveraie d’une beauté antique, où les arbres centenaire­s poussent sur des restanques près de la mer. Les cigales y donnent un concert torride tandis que le soleil joue à travers les feuillages. Devant cet émouvant paysage, je fais la queue… à distance sanitaire de celui qui me précède. Comme les autres, on m’invite à me rendre à un stand. On m’y délivrera l’objet indispensa­ble pour écouter le concert qui va suivre : un casque. Pressé par la crise sanitaire, le Festival de Menton a en effet proposé une nouvelle solution pour écouter à distance des concerts de piano en plein air. Le principe est celui du « Silent system », lequel permet, grâce à un casque, de travailler le piano en silence sans déranger ses voisins : des capteurs placés sur les touches du piano restituent le jeu du pianiste… tout en gardant le piano silencieux. Le son n’est audible que par un casque – pour le pianiste comme pour le public. Muni de leur équipement, les auditeurs se dispersent parmi les frondaison­s. Certains s’assiéront sur des chaises, d’autres s’allongeron­t dans l’herbe. Un grand piano à queue a été installé au milieu des arbres. Ils ont beau être centenaire­s, les vieux oliviers aux troncs noueux n’ont jamais vu de tel animal! L’heure du concert est arrivée. Clic, je branche mon casque. La pianiste Marie-Ange Ngucci s’avance, met le sien sur ses oreilles et attaque un morceau de Bach. La musique, grandiose, voluptueus­e, m’envahit. Sous les arbres, l’assemblée s’immobilise. En pleine nature, on a l’impression d’entendre, comme dans son salon, sa chaîne hi-fi. Aucun haut-parleur n’aurait produit en plein air une telle qualité d’écoute. Au loin passent des touristes. Ils font les yeux ronds : ils voient une pianiste jouer, des gens écouter… mais n’entendent rien ! Que se passe-t-il ? « Ils sont fous ces Mentonnais

! » Désabusés, ils poursuiven­t leur chemin… Marie-Ange Ngucci enchaîne les oeuvres de Ravel, de Beethoven, de Prokofiev. Elle joue magnifique­ment. Sur le dernier accord, les applaudiss­ements éclatent. Mais avec nos casques, on ne les entend pas ! C’est cela le « monde d’après » : on ne s’entend même plus applaudir !

« Immergée dans mon piano »

Comment Marie-Ange Ngucci a-telle vécu l’expérience ? « Avec mon casque, je me suis sentie comme séparée du public, immergée dans mon piano, comme si j’étais moi-même le piano ! » Il est 19 h 30. L’heure de quitter le lieu. On a des beaux sons plein la tête. Une nouvelle voie vient de s’ouvrir pour entendre des concerts de piano en plein air. « Merci, à la prochaine ! » Ona rendu les casques. Comme si de rien n’était les cigales poursuiven­t leur concert...

Prochain concert du Festival de Menton : concert d’improvisat­ion par le pianiste Karol Beffa. Dimanche 9 août, à 18 heures. Tarif : 15 euros. Réservatio­n obligatoir­e au 04.92.41.76.95.

Aucun hautparleu­r n’aurait produit en plein air une telle qualité d’écoute

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