Au service, Isabelle Demongeot
L’ancienne championne n’en a pas fini avec le tennis. Dans le cadre enchanteur de l’Escalet, la Tropézienne rêve de révolutionner l’enseignement de son sport. À grands coups de créativité
Un éléphant dans un magasin de porcelaine. Mais qui, sciemment, renverse tout sur son passage. Quitte à choquer. Quitte à remettre en cause l’ordre établi. À rentrer dans le lard de ses interlocuteurs... « Pourquoi personne ne m’appelle pour parler tennis ? » interroge Isabelle Demongeot au bout de cinq minutes d’entretien. Silence gêné, regard au loin, vers la magnifique plage de l’Escalet. Explications confuses. Et nouveau revers de l’ancienne championne. « J’en ai assez qu’on n’évoque de moi que mon histoire de violences sexuelles. J’ai d’autres choses à dire, d’autres choses à montrer. » Oui, son passé n’est pas soldé. La Tropézienne le reconnaît sans peine. Mais désormais, c’est de tennis et d’enseignement que l’ancienne numéro 20 mondiale veut parler. De ce projet d’aborder différemment l’apprentissage du tennis, loin des codes établis et des associations sportives moribondes. Depuis 2014 et après une expérience parisienne au Lagardère Paris Racing, Isabelle Demongeot a donc posé son sac là, à Ramatuelle, au-dessus de la plage de l’Escalet. Au loin, la mer. À ses pieds, trois terrains, quatre enseignants et des jeunes avides de conseils.
Le mur remis au goût du jour
Comme elle sait le faire si bien mais sait-elle faire autrement ? Isabelle Demongeot s’engage à fond. Persuadée qu’il est possible d’enseigner le tennis autrement que par le biais d’un simple club. « Cela fait 15 ans que je dis que l’enseignement dans le tennis n’est plus adapté. Entre les parents qui s’immiscent, le manque de respect des uns et des autres, la disparition des bénévoles et le peu d’heures disponibles pour s’entraîner, il n’y a pas grandchose qui va...» Prenant le mal à bras-le-corps, la Varoise décide donc de s’entourer d’enseignants libéraux (lire encadré) et de proposer autre chose. « Aujourd’hui, le milieu associatif se délite, poursuitelle. Les clubs ne sont plus attractifs. La Fédération a laissé pourrir la situation, en choisissant de mettre en place une guerre des clubs alors que c’est en travaillant tous main dans la main qu’on pourra avancer. Le tennis de base doit retrouver un élan. À l’Escalet, on reçoit tous les types de joueurs, qui rencontrent des types différents d’entraîneurs. Je mets l’accent sur la créativité, celle qu’on m’a volée il y a si longtemps...» Isabelle Demongeot, nostalgique mais pas mélancolique d’un certain tennis, a donc choisi de remettre au goût du jour dans son école le mur ou le lance-balles. « Le mur, c’est magique. On travaille tout avec un mur. Le toucher, l’ouïe, le regard, le jeu de jambes, l’anticipation... Il faut sortir du “boring tennis”. Créons, comme cette petite raquette en bois qui permet de travailler la précision ! »
À la recherche du plaisir perdu
Par petit groupe - pas plus de quatre joueurs par enseignant ils sont nombreux durant l’été à répondre présent. À toucher du doigt le rêve d’Isabelle, celui d’un tennis où la compétition et l’épanouissement seraient mis sur un pied d’égalité. Où le joueur deviendrait autonome et le coach un « outil » dans sa progression. « Je compte d’ailleurs lancer prochainement un jeu de cartes qui permettrait au joueur d’acquérir un maximum d’autonomie. » Autre proposition sortie de son imagination débordante : une carte de membre qui permettrait de jouer dans plusieurs clubs, pour casser la routine. « Il faut se mettre dans la tête que la majorité des joueurs ne deviendront pas des champions. Et donc, pour les garder dans le tennis, la notion de plaisir doit devenir primordiale. Or, avec l’enseignement actuel, ce n’est pas le cas...Si rien ne change, c’est le tennis de haut niveau qui finira par être en danger. Pourquoi la Fédé n’inviterait-elle pas les meilleurs joueurs français à faire le tour des clubs ? Cela créerait une émulation, du rêve pour les gamins... » En attendant, Isabelle Demongeot prend de la hauteur. Son stylo en main, elle décortique en un quart d’heure le jeu de ses ouailles. Dessinant d’une main sûre une marguerite des forces et faiblesses, elle esquisse une certaine idée du tennis. Celle « d’une folle », qui dérange sans doute. Mais qui sait de quoi elle parle. Et qui donne, enfin, envie de l’écouter.